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Blender : modélisation procédurale avec geometry nodes

Nous avions déjà abordé dans cet article le glissement inexorable vers le « tout procédural », la modélisation 3D en tête. Sur Blender grâce à Animation Nodes, Sorcar ou Sverchok. En plus de la modélisation classique (polygonale, booléene, par splines, par nurbs, par voxels, sculpture directe et autres vaches cochons…) Mais voilà qu’est sorti, au fil des dernières versions, ce qui semble être le nec plus ultra : Geometry Nodes ! Quelle est donc cette nouvelle bête là ?

Rappelons la base : il s’agit de créer des objets 3D, des scènes, des films à l’aide d’une cascade d’opérations « simples » (les nodes) qu’on interconnecte savamment et qu’il est toujours possible de modifier à n’importe quel niveau pour influer grandement sur le résultat final avec un minimum d’efforts. A la différence de la méthode classique « destructrice » où on fait évoluer le modèle à coups de déplacements, découpes, ajouts divers et variés, remeshing et autres « applications » et enregistrements, en essayant de ne pas se prendre les pieds dans les centaines d’étapes nécessaires au risque de tout devoir recommencer car certaines étapes sont perdues…

Incontestablement le « tout nodal » est un plus mais il est d’un abord beaucoup moins intuitif et il oblige à tout réapprendre. Oui oui, ces dizaines (milliers) d’heures passées à triturer les modèles avec ces foules d’accessoires abscons au sein de menus « chasse au trésor », ces empilements d’opérations branlantes en équilibre : reset !… C’est ainsi.

Geonodons

Pour se former, voici un tutorial plutôt clair (c’est rare) d’Entagma qui explique en anglais d’une voix métallique et un peu oppressée le pourquoi du comment du choix de chaque node et de leurs réglages particuliers. En effet, livré à soi-même, on se rend vite compte qu’il est pratiquement impossible de faire le bon choix parmi la pléthore de nodes proposés à la logique toute « blendérienne ». Beaucoup de mathématiques, de logique conditionelle… Un premier pas en direction d’Houdini

Qui au passage coexiste parfaitement avec Blender et comble les points faibles du logiciel question gestion des particules. Chez les pros il semble bien que Blender continue sa progression irrémédiable et qu’on parle de moins en moins dans les pipelines de production de Maya, de C4D, de 3DS Max, de Softimage, et autres antiquités, au profit d’Unreal Engine, Houdini (et Krakatoa) et… Blender, le « petit » devenu grand !

Depuis quelques temps, YouTube déborde en effet de tutoriaux consacrés à ce nouveau gadget « geonodes », avec leur « playlists » dédiées. Citons Blender Sushi, Entagma (vu plus haut), Chris Prenninger, Joey Carlino, et quelques outsiders dont le français Alex.

La question est : pourquoi tant de méthodes de modélisation coexistent au sein d’un même logiciel ? Rendant au passage certaines de ces méthodes obsolètes ? A quoi servent désormais Sverchok, Sorcar et même Animation Nodes ? Geonodes ne cesse de s’enrichir au fil des versions et gageons qu’il sera possible de bientôt TOUT faire avec. Sauf que…

Il y a toujours un truc qui manque ou qui manquera et beaucoup d’occasions, après quelques dizaines (centaines ?) de nodes emberlificotées, de se retrouver bloqué, le bec dans l’eau synthétique…

Ce sera alors le moment de renoncer au concept « procedural non destructif » (en clair, il est toujours possible de faire des modifications à n’importe quelle étape, répercutées sur le résultat final…) pour revenir aux méthodes classiques « marteau – burin » dans la poussière des bits…

GeoNodes se présente en effet comme un simple modificateur (au même titre que « Solidify« , « Displace« , « Surface Subdivision« ) et peut être « appliqué » à la forme en cours à tout moment (grâce à un menu presque caché, d’un modèle de clarté pour une fonction aussi importante…)
Le travail peut ainsi continuer au prix de la perte des nombreuses étapes intermédiaires programmées dans GeoNodes… Ce n’est pas clair, je sais, mais dîtes-vous que c’est bien pire quand on prétend s’en servir…

 

Tout cela constitue un joyeux bordel (les fans de Blender ne seront pas déçus) et il faudra choisir la méthode de modélisation idoine en fonction des innombrables possibilités et de votre maîtrise (ou non) de GeoNodes…

Procédurons !

En louchant d’un oeil torve sur ces tutoriaux, je me suis colleté à la bête avec la classique mais néanmoins savoureuse sphère pleine de trous. Et, effectivement, j’ai obtenu moultes variations en bricolant simplement les réglages intermédiaires de chaque node, sans rien perdre du fouillis initial dont voici un développé du processus dans son entièreté (ouvrir dans une autre fenêtre et zoomer à fond pour y voir quelque-chose).

Et effectivement, une fois qu’on a établi dans la douleur la chaîne d’opération (les nodes) nécessaire, il suffit de l’appliquer d’un geste souple à n’importe quelle forme initiale. Sans autre effort ! Par exemple voici ce « Déformateur » appliqué successivement à une primitive « cylindre », « tore » ou à l’odieuse mascotte de Blender : la guenon « Suzanne ». On est bien content…

Toujours en utilisant la métaphore de l’isosphère à trous, voici ci-dessous les différentes étapes procédurales appliquées à un polygone initial pour obtenir la forme finale. Et quelques explications du processus…

Eclairons !

Est venu le moment d’y voir clair ! Et d’installer un fond type « cyclorama » de studio de photographe (pour disposer d’un fond d’image sans agaçant raccord) et quelques éclairages chiadés, sous forme de points de lumière, de panneaux réfléchissants et autres boîtes à lumière. Chacun y va de sa petite recette et l’Internet en regorge. En clair : démerdez-vous !

Un mot tout de même sur ce qu’il faut bien appeler « la comédie de l’éclairage volumique ». En effet, malgré tous vos efforts, vous ne parviendrez pas à obtenir un éclairage réaliste avec ces seules lampes. Il faut en passer par le « volume » (onglet World) qui simule diverses réflexions / réfractions / absorptions du monde réél. Et renoncer au passage à toute fluidité du logiciel sauf à disposer d’une carte graphique de la taille de la tour Eiffel. En fait, c’est inutilisable. Ou il faut être pathologiquement patient… Ou drogué ! Bref, après avoir relié un shader « Principled Volume » au « volume » de la scène, on choisit la couleur d’absorption et… C’est le noir. Et pour longtemps. Avant de comprendre qu’il faut régler « Emission Strength » (pas « Absorption », non, non…) sur une valeur ridiculement faible genre quatre zéros après la virgule. Alors qu’il aurait été si simple de proposer une échelle, mettons, de zéro à dix…

Pourquoi, systématiquement, et particulièrement dans les logiciels 3D et de manière encore plus criante dans Blender, les « valeurs par défaut » sont-elles si éloignées de l’usage courant ? Je ne dois pas être le premier à m’être cassé les dents sur des écrans désespérément noirs ou des rendus inutilisables.

Je pense que c’est délibéré chez les programmeurs onanistes et boutonneux : ils jouissent littéralement du putatif désarroi des utilisateurs novices, perdus dans les interfaces, des touffes de cheveux plein les mains, sur le point de pulvériser leurs claviers, détruire leurs ordinateurs à coups de masse ou – pire – de porter atteinte à leur propre intégrité physique : « fermez les fenêtres » ! Je hais ces gens.

Mais – O joie – Après plusieurs minutes – joursmois – d’attente (les utilisateurs de Blender n’ont pas d’ongles), l’éclairage volumique se révèle dans son fourmillement de détails et d’imperfections merveilleuses… Et voici, époque oblige, un genre de coronavirus à texture de verre bleu transluscide (un siècle de temps de rendu) avec une extrusion extérieure un peu plus poussée pour créer ces espèces de tentacules à trous… D’un clic…

Rendons !

Vient alors « la comédie de l’export ». Car, oui, non content de rendre des images fixes, l’afficionado entend produire des films, fonction bien sûr proposée par ce logiciel polymorphe.

Dans l’onglet des formats de rendus (en haut, premier feu rouge à gauche) il faut se placer sur « FFmpeg » (c’est évident, c’est le dernier de la liste !). Pas par défaut. Non, non… Puis ensuite choisir le conteneur et le format idoine.

Je suis loin d’avoir percé tous les mystères de la prolifération des formats vidéos, conteneurs, bitrates (des blanches), et autres cot cot, codecs. Le machin « Matroska » (proposé par défaut) évoque quelque diablerie à la « poupée russe » et effectivement, c’est aussi compliqué que nous l’explique Wikineuneu. Vous ignoriez ce qu’était Matroska ? Moi aussi. Et tout le monde s’en fout !

Bref. Il faut tourner résolument le dos à cette fourbe poupée (proposée « par défaut ») et se placer sur MPEG-4 ou QuickTime (en fonction de l’intégration ou non à un site web). Tout cela tombe sous le sens, comme de juste… Ensuite il faudra régler la qualité : « Dégueu », « Bouse », « Scoubidou » et, comme chacun sait, « Perceptually Lossless« …

Nous rêvons tous d’un utopique logiciel qui, à la question : « je voudrais faire un bête film… », répondrait avec un bon gros bouton rouge clignotant au milieu de l’écran : « cliquez ici ! »

Enfin, les yeux pleins de larmes, après des heures de rendu avec vos processeurs au bord de la fusion non contrôlée, vous pourrez admirer votre oeuvre : le film tant espéré.

Avec, par ordre d’apparition des désagréments en fonction de vos inévitables erreurs : 10.000 fichiers en désordre et irrécupérables saturant votre bureau, un film noir ; mais noir ! Une erreur criante de cadrage, un navrant sautillement de l’animation qui est censée tourner en boucle avec fluidité, une erreur de format, de fps, un film qui fulgure à la vitesse de l’éclair en moins d’1/10 de seconde, que sais-je encore ? Fatalitas ! Tout est à recommencer.

Car c’est tout l’art de l’Homo 3Deus confirmé de ne pas être obligé de remettre sans cesse sur le métier, etc… Et encore, je vous fais grâce des réglages de la caméra, de la profondeur de champ et de tant d’autres détails essentiels…

Allez, parce que c’est vous, branchez le son, vous allez rire et vous rappeler des souvenirs. « Santé Publique France (risque) d’annoncer 300.000 contaminations par 24 h » ! Risque… Mèèèèè oui…

 

Extrudons !

C’est vraiment trop divertissant, cette nouvelle modélisation « d’un clic » ! Tellement de temps gagné… Extrudons, mais alors de chez extrusion. Avec les mêmes techniques et toujours au départ d’un bête icosaèdre, on peut combiner plusieurs extrusions et taille des faces pour obtenir un grand nombre de formes diverses, pourquoi pas vaguement florales « du midi » selon l’inspiration du moment et la nature des différents textures employées. Le tout réutilisable et modifiable à merci…

Et, grâce à la magie du node « Join Geometry » il est possible de faire coexister dans la vue autant de formes que l’on veut, disposant chacune d’une texture distincte, selon le subtil ordonnancement de nodes ci-dessous…

Construisons…

Foin des tutoriaux, je passe « en libre » ! Autre exploration dans le monde touffu de GeoNodes : une hypothétique construction procédurale dans un désert lointain… Voici le processus. En haut, génération d’un sol vaguement changé en sable dunaire, en bas, la génération des blocs de constructions à partir d’un simple plan : subdivisions, opérations booléennes, re-subdivisons, extrusions de l’ensemble pilotée par une texture « bruit ».

Un soleil couchant à contre jour pendant que la lune se lève, un peu d’atmosphère et de profondeur de champ… Et ouala ! Constructions bien entendu modifiables grâce à de simples réglettes et ce pour l’éternité grâce à la magie de cette modélisation procédurale… Amen.

Décimons

Dernier effet à base de Geo Nodes : une vue de mon processeur. Avant le drame… Et les navrantes et laborieuses étapes intermédiaires pour générer « d’un clic » ce processeur vidéo d’une nouvelle génération…

Rien que de très simple : un empilement de dalles chanfreinées selon une spline de Bezier (sans oublier d’ajouter le node « Realize Instances » qui permet de procéder à des modifications « à l’ancienne » – épaisseur et chanfreinage – à la construction en cours ; je vous avais prévenu que c’était… le bordel). Le tout animé par un « Delete Geometry » piloté par un jeu de textures.

On notera au passage l’utilisation de la fonction « Layout – Frame » (cadre noir « Animation ») qui permet de grouper et d’isoler des nodes avec possibilité de nommer, déplacer et tout le confort moderne pour plus de clarté dans les arborescences des nodes parfois touffues comme la forêt équatoriale…

 

Le rendu de l’animation que j’ai obtenue, au prix du chauffage gratuit de la pièce en pleine canicule pendant plusieurs heures, a bien entendu lamentablement foiré et ne mérite pas de figurer ici. Si ? Bon, vous l’aurez voulu… Les gouttes ce sont vos larmes. Sur les lunettes. Inutile d’essuyer : vous allez pleurer encore. Beaucoup.

 

 

Et pour finir, un autre émouvant aperçu de la structure d’un des matériaux… Celui du sol, je crois. Générateur de matériaux qui jouit de la même logique nodale que GeoNodes. On n’est pas perdus…

 

A bientôt pour de nouvelles aventures procédurales…

 

Publié le Juil 16, 2022

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