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Modélisation procédurale

La première fois que j’ai entendu parler de cette notion de « modelisation procédurale » c’était, je crois me souvenir, dans un groupe consacré aux fractales sur Facebook, ce gouffre bleu en terme de référencement. Un psychopathe autrichien, ou peut-être bien américain, ou que sais-je, prétendait générer couramment des fractales mandelbulbs avec un certain outil procédural « grasshopper » (sauterelle). J’avais gardé le lien et aurais bien aimé vous le transmettre mais naturellement il n’est plus valide et toute recherche est restée vaine : Facebook est l’outil futile de l’instant…

En bon explorateur j’ai commencé à creuser ce concept nouveau pour moi, habitué aux logiciels de génération de fractales plus classiques (!) dont je vous entretiens régulièrement ici. Et commençais à défricher ce domaine dont l’étendue et la complexité me laissèrent sans voix ; ce qui tombait bien, attendu que j’étais seul face à mon désarroi. Il fallait d’abord comprendre que le fameux « Grasshopper » n’était qu’un des nombreux accessoires, un des « plugins » d’un logiciel dont j’avais vaguement entendu parler : Rhinocéros ! Grasshopper, comme dit la notice, est un « langage et un environnement de programmation visuel qui s’exécute dans l’application de conception assistée par ordinateur Rhinoceros 3D ».

Grasshopper

Rhino… Rien à voir avec une quelconque rhinopharyngite, encore moins une rhinoplastie, encore que. Au pif : le modeleur Rhino, logiciel 3D, est utilisé dans les écoles d’architecture et de modélisation 3D, avec des souris multi boutons de CAO, multi axes, tablettes et autres diableries. Tout un monde certes très utilisé et enseigné, entre la rigueur mathématique de la 3D et l’empirisme du « nuage de points », mais qui m’était totalement étranger.

Logiciel payant, en plus, mais qui tournait sur Mac (avec un OS récent, Mojave ou plus haut) en version 7. J’étais passé à côté alors qu’il semblait bien qu’on puisse avec cette collection d’outils créer de l’art génératif. Rhino est téléchargeable avec une licence de 90 jours. Le temps de tester le bazar….

Et c’est ainsi que je découvre, dans la douleur, l’étendue de mon ignorance. Un logiciel avec des variables comme la nature et la résistance du terrain, l’ensoleillement, les forces du vent, etc. Le tout modélisé aux tailles réelles (on parle de centaines et de milliers de mètres), utilisé bien sûr en architecture mais aussi dans l’impression 3D, la bijouterie, les prothèses médicales, etc. Tout un écosystème se révèle à travers mes larmes, avec Grasshopper intégré ; un environnement de programmation graphique et ses pelletées de plugins dédiés comme Biomorpher. Oui, il s’agit bien de plugins de plugins de soft 3D ! Avec des boites de lignes de commande pour trouver ce qu’on cherche et chercher ce qu’on trouve. Ca promet…

Dans le domaine de la 3D, un logiciel généraliste même libre comme Blender peut en principe tout faire mais chaque corps de métier dispose de ses outils propres avec des fonctionnalités dédiées ou simplement plus pratiques. C’est pourquoi je me suis intéressé à Rhino dont j’ai pu heureusement sortir assez vite, grâce à son intermédiaire et par les connaissances nouvelles qu’il m’a permis d’acquérir.

Rhino, sinon rien !

Sacs de noeuds !

En effet, cet usage inhabituel pour moi m’a fait réfléchir aux destinées de la programmation et surtout aux méthodes et interfaces utilisateurs, les fameux « UX » et « UI » qui sont pour le moins contradictoires.

D’un côté, de par la généralisation de la « mobilité » et autres 5G, on recherche l’ultra simplification pour les OS des smartphones et tablettes. Des interfaces bébêtes, pleines de couleurs, pour des écrans minuscules, « une fenêtre à la fois » (pas de multitâche), simples au point « qu’un enfant de 5 ans, gna gna »…  Tellement simples, dans leurs absconses diversités, que je ne m’y retrouve absolument pas, habitué à la souris et au clavier. C’est ainsi. Mais, rentabilité oblige, il faut bien avouer que c’est dans ce domaine qu’on voit fleurir le plus d’innovations logicielles avec parfois de belles réalisations à base d’intelligence artificielle introuvables sur les ordinateurs classiques : retouches et effets d’images, etc…

De l’autre côté, sur les machines « de bureau » sérieuses, on assiste à la mutation lente mais inexorable des interfaces à base de fenêtres et de calques empilés vers le nodal et le procédural ; la généralisation des interfaces « à nodes » (à base de noeuds). Pour tenter d’expliquer, on peut utiliser la métaphore du « Lego » : construire des choses compliquées en combinant des briques de fonctions simples… De plus, il s’agit de méthodes « non destructives » c’est à dire qu’il est toujours possible de modifier des paramètres « en amont » pour obtenir des résultats très différents à l’arrivée.

Ces nouvelles méthodes de modélisation, plus basées sur les mathématiques, s’avèrent incomparablement plus puissantes que les traditionnelles interfaces « paramétriques » à base de réglages, de calques, etc. Ces dernières étant plus visuelles, censées plus faciles à appréhender et destinées aux artistes ignorant tout de la programmation (même s’il faudrait une vie entière pour maîtriser correctement des « vieux » logiciels comme After Effects, Photoshop ou Cinema4D. Passons)… L’avenir est donc à la complexité, s’il en était besoin, et les anciens softs sont voués à disparaître. Ainsi les logiciels comme Houdini (3D), Nuke (compositing), Arnold (rendu), XPresso (pour Cinema4D), tiennent aujourd’hui le haut du pavé. 3DS Max possède aussi un système nodal avec des plugins comme Nexus. Maya dispose bien sur d’un « node editor » et Clarisse, un nouveau venu français, utilise aussi ce principe dans son workflow.

Pour revenir à Rhino, les fractales ne sont pas en reste, bien entendu, grâce au plugin Monolith écrit pour  Grasshopper et dont voici un aperçu de l’exotique complexité…

 

Mais alors, qu’en est-il de Blender, le logiciel libre qui est considéré (et même par les pros) comme étant le plus complet du marché pour la 3D, capable de tout faire et de le faire bien ? Et bien, effectivement…

Sverchok

La communauté Blender n’est pas en reste puisqu’on dispose de l’application « Sverchok » (sauterelle en russe) développée depuis une dizaine d’années par des ukrainiens et qui se veut l’équivalent de Grasshopper, en version libre évidement. Ca marche plutôt grave bien et les possibilités sont également immenses. Un outil très mathématique, réputé ardu à maîtriser…

On trouvera une série de tutoriaux bien énervants (en français) sur la chaîne de Meletou. Beaucoup de science mais un ton professoral dur à supporter pour un cancre comme moi…

Sinon, également en français, ceux de Guillaume Ballue, Blenderologie, assez désopilants dans la mesure ou on se prend à attendre, au fil des tutos et des essais-erreurs, l’erreur fatale voire le plantage de Blender, le tout en live avec force commentaires contrariés.

Sans compter les tentatives répétées pour prononcer correctement « Sverchok » qui rappelle furieusement un sketch de Chevalier et Laspalles à propos du « toast »… Pour finir mais en anglais, la chaine du cador, Jimmy Gunawan Blender Sushi, avec des centaines de tutos Sverchok plutôt ardus…

Le principe est en apparence simple : relier des dizaines de « tableaux paramétrables » (les noeuds) pour obtenir le résultat voulu au final. Qu’on peut faire varier à l’envi en modifiant les réglages des noeuds intermédiaires. Toute la difficulté est de savoir ce que l’on fait et, croyez moi, c’est un métier ! Par exemple, à partir d’un « simple » anneau, à grands coups de Voronoï :

Ou encore, à partir d’une « bête » icosphère :

Bien sûr, il est possible aussi de faire des animations directement depuis ces interfaces nodales. Car figurez-vous qu’il en existe plusieurs qui coexistent dans le même logiciel ! Pour la modélisation, pour les textures, l’animation (Animation nodes) sans parler du récent « Geometry nodes« … Et, concernant la modélisation, même pour faire la même chose, par exemple une alternative à Sverchok qui s’appelle Sorcar !

J’ai ainsi animé en quelques clics « procéduraux » une surface d’eau très agréable à regarder si ce n’est que je n’ai pas gardé l’animation : vous n’aurez donc que cette image fixe pour pleurer. Pour le reste, il faut me faire confiance !

Sorcar

Réputé plus simple mais plus limité, il existe en effet pour Blender un autre « add-on » de modélisation procédurale développé depuis 5 ans par Punya Aachman, un programmeur indien de l’Institut de technologie du Maharaja Agrasen à New Delhi. Un logiciel baptisé du nom de Sorcar, (Protul Chandra Sorcar était un magicien indien des années 50) et qui en est à la version 3.2.0.

C’est évidemment un clin d’oeil (quels déconneurs ces programmeurs) au logiciel américain Side FX Houdini ayant emprunté, pour sa part, le nom d’ Harry Houdini, célèbre illusionniste américain. On reste dans les références d’illusionnistes. Gare…

 

 

On a cette fois à disposition plus de 250 nodes, une liste qui ne fait que grandir, à combiner ensemble pour modéliser de manière « non destructive » à peu près tout et n’importe quoi… D’autant qu’il existe un plugin pour transférer une création Sorcar vers Sverchok et inversement…

Parmi les autres modules à venir : un pour générer des paysages (noise/masking/erosion), un autre pour la végétation (grass/bush/trees) et une très attendue inter opérabilité avec le moteur de 3D Unreal Engine 4 sur lequel il va bien falloir que je me penche un jour, tant il semble de plus en plus utilisé par les créateurs de tous poils et pas seulement pour les jeux…

Pour découvrir Sorcar « la merveille », voici quelques tutoriaux en anglais sur la chaîne de l’auteur Punya Aachman, et toujours, pléthore sur Blender Sushi

En partant cette fois d’un « NGon » : Ooooh, des fleurs !

Et, pour finir en beauté, une des images virales réalisée avec ce procédé, extraite de mon non moins splendide site d’artisss ArtStation. Vous y trouverez d’ailleurs quantité d’autres magiciens de la modélisation procédurale dont un certain Benny Govaerts, belge de son état, dont je me suis beaucoup inspiré pour mes balbutiantes tentatives.

Joyeuses fêtes, prenez bien vos cachets et… Non, rien.

 

 

Publié le Nov 6, 2021

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