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Le corail m’emmerde

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L’an d41ernier, sur le magazine Scuba-People, je me suis lâché… Le pitch : dix neufs billets qui parlent de la plongée autrement.

De l’humeur, de l’humour, de l’amour, toujours… Un ton. Une réflexion. De féroces caricatures !

A la lumière de presque… 50 ans d’expérience de la plongée.


Pour celles et ceux qui, par extraordinaire, n’auraient pas lu ou entendu ces rubriques « second degré » et aussi parce que je me suis quand même bien amusé à les écrire et les « parler », je republierais ici même, à priori tous les vendredi, ces calembredaines, qui parfois ont fait des vagues…

Le corail m’emmerde

Franchement : vous n’en avez pas un peu marre, vous, du corail ? Moi si. Le vrai corail hein ? Le dur. Avec toutes ses baroqueries de mauvais goût, ses pics, ses creux, toute cette porcelaine digne d’une expo Jacob Delafon. Moi, ces couleurs blanchâtres, jaunasses, beigeasses, verdasses me dépriment. Plonger sans cesse dans l’eau chaude, l’eau claire, l’eau salée et le corail : j’ai l’impression de me balader dans un spa !

Alors évidemment, vous allez me dire que c’est un écosystème exceptionnel, un réservoir de faune, et patati et gna gna gna. Oui, je sais tout ça. N’empêche. Le corail m’emmerde. Un peu. Faut dire, j’ai été formé en Bretagne, dans les forêts d’algues qui bougent. Et ensuite, je suis allé plonger sous la terre. Dans le calcaire. Du corail fossile, bon, d’accord…

Rodrigues roses de corail

Oh, je vous vois venir, vous êtes en train de vous dire : «mais quelle rascasse le pique le monsieur Carnets de Plongée qui nous a filmé du corail pour les télés à tour de bras jusqu’à la nausée ? Qu’il balaye d’abord devant son platier !»
Mais justement, je voudrais bien ! C’est tout le problème. Regardez : dans mon bureau j’ai une carte du monde collée au mur piquetée de punaises de couleurs correspondant aux trois saisons de l’émission. Or, en raison de la structure de celle ci, je suis contraint de n’offrir que des destinations accessibles aux plongeurs français. Et donc proposées par les catalogues des agences spécialisées en tourisme-plongée. Horreur : les punaises sont toutes groupées sur l’Equateur ! Les destinations les plus populaires semblent coincées entre les deux tropiques… En plein dans le corail ! Certaines s’évadent un peu au Nord et au Sud du planisphère mais restent encore largement entachées de cocotiers, de sable blanc et de ce climat émollient, dit tropical…
Est-ce parce que les tour-opérateurs proposent déjà les plus belles destinations ? Que nenni : la mer est vaste. Mais simplement ce choix est dicté par les infrastructures déjà existantes pour le tourisme de masse. Qui réclame des cocotiers, du soleil et des plages (sans requins). Et il faut bien reconnaitre qu’au Groenland ou en Islande, les plages…

PopperodequelleNous voilà donc condamnés aux «tristes tropiques». Le cancer du monde du voyage. Le capricorne aussi, mais ça n’a rien à voir, c’est un insecte !
Alors que mes envies de découvertes de la planète bleue sont tout autres. Attends, je vais t’en piquer moi des punaises ! Làaaa : ces îles au large du Cameroun, ces glaces de l’Alaska, du Kamchatka russe, cet Antarctique blanc et bleu, ces lacs sacrés d’Amérique du Sud, ces jungles ou serpentent une eau couleur de thé, ces sources chinoises…

De l’eau douce, de l’eau froide, de l’eau colorée, pétillante, volcanique : que ça change enfin, merde ! Des ours, des loutres, des calmars géants, des ornithorynques, des algues, et pas toujours ces guignols de poissons de coraux avec leurs couleurs de Drag Queen : on dirait une pub pour des imprimantes !

Sans compter que dans ces paysages de coraux, avec leurs poissons d’aquarium, il faut se tenir à carreau, de peur de casser quelque chose ! C’est d’un fragile ces trucs là ; pas prévus pour la plongée de masse. Et ça met des années à repousser. Quand çà repousse ! Adieu donc, cette plongée à bras le corps avec la mer, à se faufiler sous les frondaisons des laminaires, à laisser glisser sur son corps les longues lanières des himanthales. Un coup de palme malheureux, une prise un peu trop appuyée et une poignée de fucus vous reste dans les mains ? La belle affaire ! Ca repousse, vite. Est-ce qu’on ferait un procès au promeneur pour avoir dispersé quelques feuilles d’automne ? Essayez la même chose dans les magasins de porcelaine des récifs de coraux, vous allez voir ! Nous voilà donc condamnés à plonger à distance : non plus acteurs mais spectateurs. Et encore, dans les fauteuils d’orchestre !

Tout çà pour voir quoi ? Trois poissons clowns qui se battent en duel ? Alors que descendre une rivière en Jamaïque au milieu des caïmans, ça à une autre gueule ! Et là encore, on ne vous en voudra pas si vous effilochez un peu de végétation au passage. Pas trop non plus hein ? Je dis çà parce que je connais des plongeurs qui sont de vraies moissonneuses batteuses… Bon, vous avez compris l’esprit ? Boudez les «all inclusive» et demandez à vos TO des voyages qui dépaysent ! Quitte à loger chez l’habitant ou sous la tente. Qu’importe le confort pourvu qu’on ait l’ivresse de profondeurs inconnues… Non ?

Lorsque j’ai débuté en plongée, les tour-opérateurs et la plongée-loisir n’existaient pas encore. Chaque voyage était une expédition. Aujourd’hui, que reste-t-il de cet esprit de découvreur ? Et pourtant, les océans sont tellement vastes qu’il ne tiendraient pas dans les brochures des voyagistes. Sans parler des lacs, des fleuves, des marais, des grottes… Alors, encore un petit effort messieurs les voyagistes : offrez-nous donc des côtes inexplorées, sur l’envers de vos cartes postales !
Ah, justement, on vient de me proposer un nouveau voyage en échange de quelques photos. Voyons, où çà ? Oh nooon, Je vous le donne en mille : sur l’équateur… Encore un rodéo à OK corail ! Merci bien. J’irai plonger en gravière.

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A retrouver en podcast sur Scuba People Le Mag ou, ici même…

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Publié le Juin 13, 2014

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1 Commentaire

  1. Le Vieux scaf

    Je comprend l’ire de Francis sur le corail à tout va!
    Je ne supporte plus ces visions télé souvent américaines avec des commentaires sirupeux sur des royaumes sous mains coralligènes où ne circulent que quelques petits poissons d’aquarium avec en vedette ineffable tortue
    J’en suis devenu zappeur , préférant mes souvenirs d’images kodachromme sur t’expédition Moana où là il y avait du monde.
    Comme Francis je pense qu’il y a des lieux pas si éloignés qui sont de véritables plongées de découvertes parce que peu ou pas souvent fréquentés
    Comme il faut être constructif dans ses critiques, je vous conseille les bancs de Trafalgar
    Non vous n’y verrez pas les épaves de la bataille qui a eu lieu bien au large, encore que les bancs en questions démarrent à la côte et vont jusqu’à 18 KM au large
    Nuages de dentis, mérous à touche-touche, murène inquiétante car de belles tailles
    L’ennui c’est que proche du détroit de Gibraltar on ne peut y plonger dans de bonnes conditions qu’en Juin aux étales de mortes eaux
    Et encore ne pas traîner…
    A vous de voir.

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