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La photo sous-marine avec l’iphone

En test à la calanque de Callelongue à Marseille avec ma fille Iona.

Faire un reportage professionnel complet avec son téléphone ? Le graal du « tout en un » serait-il désormais accessible ? Aujourd’hui, avec les merveilleuses machines que nous possédons tous dans nos poches, avec une puissance, une mémoire, une vitesse d’exécution et des fonctionnalités bien supérieures à celles des ordinateurs embarqués qui nous ont menés sur la Lune, il semble bien que cela soit possible.

D’un geste simple (clic), quotidien, tout un chacun se prend pour un photographe alors qu’il n’est que téléphoniste. Jusqu’à présent l’usage des photophones était parfait en effet pour le « tout numérique » des réseaux. Le flot des milliards d’images publiées par seconde sur le web a d’ailleurs changé définitivement le paradigme du métier au point de ruiner la plupart des photographes « pros ».

J’ai fais partie pendant onze ans du staff des photo-reporters de la prestigieuse agence SYGMA, à la grande époque de l’argentique (quand on vivait encore très bien de la photographie et des reportages) avant de délaisser les appareils photo et céder au chant des sirènes de la télévision. Mais je n’ai jamais perdu mon goût pour l’image, en particulier sous-marine.

J’ai vécu toutes les mutations vers le numérique, des APN « tout en un » et sous-marins de surcroît comme le Nikon Coolpix que nous avions testé, jusqu’à toutes sortes de boîtes à images plus ou moins professionnelles et leurs volumineux caissons. Et il me semble que la « photophonie » sous-marine représente l’avenir, à tout le moins celui des APN sous-marins.

Raison pour laquelle j’ai décidé de couvrir l’ouverture du nouveau centre de plongée WonderfulDive de Port Ghalib en Egypte (nous en reparlerons) en tirant partie au mieux des possibilités « temps réel » de l’iPhone en terme de prises de vues, traitement d’images, editing et publication sur les réseaux type Facebook, Google Maps, Trip Advisor, Instagram et consors…
Une pratique qui n’est pas encore passée dans les moeurs puisque beaucoup répugnent toujours à risquer leur téléphone sous l’eau. Ce gadget qui leur coûte deux mois de salaire au point que la plupart des utilisateurs le tiennent compulsivement sur le coeur, baptisant leur achat « coup de coeur », le « précieux ».

Mais pour moi il ne s’agit rien de plus que d’un agrégat de métaux spéciaux, de terres rares et de silicium haut de gamme fabriqué en Chine, un outil donc, qui toutes proportions gardées est bien moins cher qu’un appareil photo pro. Dès lors qu’on le considère comme un « consommable », qu’il est sérieusement assuré et surtout qu’on dispose d’un abonnement iCloud pour pouvoir en permanence sauvegarder son contenu je ne vois pas pourquoi ces mignons « tas de ferraille » jouiraient d’une telle dévotion…

Deuxième objection la plus souvent évoquée : la qualité. Si bien qu’après de laborieux détours par la GoPro et ses clones et d’autres moyens de prise de vue « cheap », beaucoup reviennent à leurs chères enclumes sous-marines, caissons, boitiers, dômes, flashs, bras articulés à n’en plus finir, lampes pilotes et moult colifichets dispendieux. On se doute que si je me suis risqué sur ce terrain, en tant que professionnel, ce n’est pas pour renoncer à la qualité des photos. A mon sens, les piètres résultats évoqués le sont à cause d’une méconnaissance de l’utilisation de ces petites boîtes à images et surtout de la chaîne de prise de vue et de dévellopement des dites images…

Question définition du capteur, l’iPhone 13 ProMax par exemple annonce 12 megapixels sur ses trois objectifs. A comparer avec les 12,8 megapixels de mon « vieux » Canon EOS 5D avec ses objectifs, son caisson, flashs et accessoires fournis par l’excellent Hubert Lacour de Plongimage qui était le partenaire de notre émission Carnets d’Expédition. Clairement, en terme de performances, les téléphones font aujourd’hui aussi bien que les appareil photos professionnels utilisés il y a quelques années… La taille du capteur est déterminante : d’autres marques annoncent des définitions supérieures mais au prix d’acrobaties logicielles qui ne m’ont pas abusées : l’iPhone reste à mon sens le meilleur appareil photo du marché.

Préparation de l’iPhone

Après avoir pris quelques renseignements auprès de ceux qui pratiquent régulièrement la photo sous-marine avec leur téléphone, entre autres Arthur Establie et ses photos en siphon et l’importateur lui-même, Yannig Charles de Custom Diving Systems, avec ses photos de cénotes au Mexique, il m’est apparu que je devais upgrader mon vieil iPhone 8 pour un modèle plus récent. J’ai donc fait l’acquisition à l’Apple Store des « Terrasses du Port » de Marseille (avec vue sur la mer) d’un « précieux » 13 Pro Max avec une confortable quantité de mémoire embarquée et un non moins confortable écran adapté à ma vue déclinante.

Yannig s’est chargé de me procurer le reste à savoir le caisson Seatouch DiveVolk pour l’iPhone 13 Pro Max et deux éclairages BlueLight ainsi que les accessoires (platine, bras, rotules, préobjectif grand angle et macro, kit pour la photo fluo et même un trépied sous-marin…)

Des supports, éventuellement imprimés en 3D à la demande, sont disponibles pour tous les modèles de téléphone !

Il est temps d’assembler le bazar et d’immerger tout çà… Le téléphone doit être placé dans un support plastique correspondant au modèle avant d’être enfermé dans son sarcophage.

L’étanchéité est obtenue par un curieux joint blanc verrouillé par deux vis, ce qui renvoie les joints toriques au rayon des vestiges archéologiques.

La face arrière est composée d’une feuille transparente souple permettant d’actionner toutes les commandes avec ses gros doigts. Pas de passe fils, de presse-étoupes sujets à fuites et blocages : c’est nouveau, c’est simple et ça marche !

Mais, une fois dans le caisson, il est évident qu’il est impossible de balayer l’écran pour changer d’application. C’est là qu’intervient la commande magique « Assistive Touch », à activer avant de plonger.

 

 

Ceci n’est pas un téléphone !

S’emparer résolument du téléphone (non, çà c’est une plaquette de chocolat très noir !) et, les yeux injectés de sang, découvrir enfin la commande idoine qui se cache au milieu des milliards d’autres indispensables sur iPhone. C’est : menu « réglages » (la roue dentée d’horlogerie), accessibilité, toucher… Nan, laissez, ça me fait plaisir.

Il faut alors activer « Assistive touch » et, miracle, un nouveau bouton mobile apparait, dont on ne sait trop que foutre car il gène sur tous les écrans mais qu’on peut déplacer au doigt. Bref, En cliquant dessus on accède à de nouveaux menus permettant de se servir de tout, une fois le téléphone enfermé dans le caisson.

Petit conseil : fermer toutes les applications et ne garder ouvertes que les applis photo utilisées pour éviter de s’emmêler les palmes une fois sous l’eau. Il faut penser aussi, à la fin de la séance, à fermer ces applis sinon l’iPhone restera allumé et, dans son caisson, chauffera exagérément (fonction grille-pain) tout en épuisant la batterie…

Raw ou JPEG ?

Par défaut, l’appareil ne prend que les photos au format JPEG, ce qui contente la plupart des utilisateurs. Au point que les formats professionnels RAW et Pro RAW sont bien cachés et que leur activation (obligatoire) s’apparente à la quête du Graal.

Il faut savoir en effet que le « clic – dans la boîte – merci Kodak ! » c’est fini depuis longtemps et que la prise de vue électronique n’est plus l’affaire d’une seule vue capturée au prix de réglages exotiques et de douze boutons appuyés simultanément mais d’un mélange harmonieux qui s’apparente plus à la peinture (surtout en mode « jpeg ») d’un grand nombre d’images (jusqu’à douze) à différents degrés d’exposition et de mise au point combinées ensemble par la grâce de l’intelligence artificielle pour accoucher de l’image finale. Ca plait ou pas… Si les résultats sont toujours bluffants dans la plupart des situations (rappelez-vous, le téléphoniste qui se prend pour un photographe…) j’ai peur que ce ne soit plus le cas sous l’eau, à la poursuite de créatures gluantes et de poissons visqueux et mobiles. Très mobiles… La mise au point risque de « pomper » interminablement et des poissons n’en photographier que la queue ! Même chanson pour l’exposition si on veut sortir du sempiternel fond bleu.

Pour toutes ces raisons j’ai toujours préféré travailler en manuel, même avec des appareils et flashs automatiques et il en sera de même des photophonies. Et surtout pas en JPEG (odieux format à la compression destructive) mais en RAW comme nous l’expliquions dans ce billet sur les avantages du Raw.

Attention, la taille de chaque image pèse alors des dizaines de Mo, de dix à cent fois plus que le JPEG standard, ce qui peut rapidement saturer la mémoire des téléphones à petite cervelle… Raison pour laquelle cette fonction est cachée par défaut… De plus, les résultats « bruts » obtenus sont bien peu flatteurs et en tous cas bien moins que leur équivalent JPEG, n’ayant pas été cochonnés par l’IA. Il faut comprendre que la prise de vue en RAW n’est rien sans le traitement (le dévellopement) de l’image qui doit impérativement lui faire suite ! Par contre, sur ce fichier brut dont beaucoup de données dépassent allègrement le seuil de perception humaine, il est possible d’intervenir grandement pour faire apparaître lors du traitement quantité de détails cachés, avant d’exporter une version « basse définition » en JPEG pour publication, sans perdre l’original, naturellement…

A titre d’exemple voici deux images prises à quelques secondes d’intervalle (même conditions d’éclairage) respectivement en RAW puis en JPEG (en fait en HEIC – format encore « plus mieux »). Chacun préférera la photo de droite, naturellement, mais c’est un leurre ! C’est celle de gauche qu’il faudrait utiliser après « dévellopement » du RAW ce qui fera apparaître sa splendeur cachée.

Voyez plutôt : le fichier RAW « brut de téléphone », puis traité « entre deux portes » avec ProCamera, toujours sur téléphone et enfin, tiré de l’anonymat, avec un dévellopement sérieux sur Lightroom version MacOS grand écran…

Les logiciels

En principe les téléphones disposent en standard de tout le confort moderne. Et il devrait être possible de tout faire avec, sans ajouts disgracieux et payants. Mais en fait, non : il faut bien que les développeurs de tous poils fassent fortune… Pour se rapprocher des fonctions disponibles sur – feu – les boitiers professionnels, voici donc un rapide survol du champ de bataille… Utilisant l’iPhone, je ne passerais en revue que les applications de l’AppStore mais l’équivalent existe pour les Samsung‘s et autres clones sous Androïd de la galaxie GooglePlay. Certaines applications à télécharger (et payer) sont uniquement dédiées à la prise de vue (Halide), d’autres au traitement (le dévellopement) des images), la plupart font les deux avec plus ou moins de bonheur et de pertinence.

Commençons par l’application native d’Apple qui fait pratiquement tout :  Appareil Photo

Il ne lui manque… que le sourire. Nan ! Mais c’est un fait qu’on pourrait se passer de toute application dédiée, ne faisant confiance qu’au logiciel maison d’Apple et son intelligence artificielle embarquée pour tout ce qui concerne le focus (mise au point) et exposition, combinaison subtile de sensibilité en ISO (jusqu’à 8000…), de la vitesse d’exposition (de 1.2 s à 1/12658 s !) et de l’équivalent de l’ouverture de l’objectif exprimée en « gain électron volts » (de -7.0 eV à +7.0 eV). Notons qu’on peut photographier en RAW et contrôler plus ou moins la mise au point et l’éclairement mais pas la vitesse ou alors c’est caché quelque-part et je n’ai rien vu ! Adieu donc à la « priorité à la vitesse » pourtant fondamentale pour photographier des sujets en mouvement.

Halide

Considéré comme le plus complet des « appareils photo », Halide ne fait que la prise de vue. Mais d’après les critiques il le fait particulièrement bien. Toutes les autres qui suivent (ainsi que l’application native d’Apple) proposent le traitement ET la prise de vue.

 

Lightroom

Tous les pros connaissent Lightroom qu’ils utilisent depuis des lustres sur les ordinateurs, au fil des différentes versions, pour travailler leurs images. Mais entre versions d’essai, gratuites, payantes, abonnements divers et variés, la politique économique d’Adobe en a découragé beaucoup qui se considèrent à juste titre comme des vaches à lait et des clients captifs. Car une version mobile existe et la comédie des licences s’en trouve décuplée. C’est dommage car il s’agit d’un des logiciels les mieux conçus, en tout cas pour traiter les images, sans perdre les réflexes acquis sur les versions « de bureau ».

Camera +

Dans le « top five » de ces applis figure Camera +, sans doute très bonne, mais que je n’ai pas testée en profondeur – il faut bien faire un choix – trop de couleurs, sans doute et un petit look « amateur »… Car le drame est la multiplication des fonctions au gré des applis et des mises à jour, toutes différentes, ce qui oblige à une véritable formation sur le logiciels choisi. Or mon but est d’acquérir des automatismes. Pas de devenir expert en applis iOS…

Snapseed

La seule appli gratuite, proposée par Google s’avère très complète pour toutes sortes de traitements. Pas de frais d’interface : tout est en vrac sur l’écran d’accueil : mieux vaut savoir ce qu’on fait !

 

Photo Toaster et Title Fx

Mention particulière pour cette suite logicielle de East Coast Pixels que j’utilise beaucoup en marchant, pour améliorer, copyrighter et diffuser sur Facebook mes instants « choses vues » en JPEG. Il va sans dire que je l’ai bien en main et ces automatismes (même avec une vision d’ornithorynque avec deni de prothèses) sont très importants en production. Après vérification, Photo Toaster est capable de traiter « avec les pieds » les originaux RAW pour en faire des JPEG signés, tout à fait honorables pour une publication sur les réseaux. C’est donc sans doute l’appli que j’utiliserais sur le terrain, le temps de maîtriser la pléthore de fonctions de ProCamera… Notons que ces deux applications existent aussi pour l’environnement Androïd, ce qui est un avantage certain.

Procamera

J’ai donc finalement acheté pour quelques piastres cette application allemande qui je l’espère répondra à mes besoins sur le terrain. Elle est en effet actualisée assez souvent et propose une myriade de fonctions absentes de l’application native d’Apple.

Ci-dessous, ce qui concerne les différentes possibilités d’automatismes : le clavier en bas à droite permet de faire apparaître un menu avec A (tout auto), M (manuel), SI (semi automatique) et EB (bracketting d’exposition). Selon le mode choisi, celui-ci apparaît en bas à droite et en sélectionnant (en haut) vitesse ou valeur d’ISO on peut les faire varier avec ses gros doigts sur les réglettes d’en bas. Enfin, avec EB sélectionné, on peut prendre simultanément de 2 à 7 photos à différentes expositions pour les compositer au mieux par la suite pour une bonne exposition dans les conditions d’éclairage difficiles.

Ci-dessous un aperçu de quelques-unes des autres fonctions disponibles pendant et après la prise de vue… Étonnamment, comme la plupart de ses concurrents (à part Lightroom et SnapSeed – à condition de recommencer le processus entier à chaque fois…) pas de fonction de signature, pourtant indispensable ! Au prix de quelques acrobaties, je passerais donc par Title FX vu plus haut. Un seul copyright peaufiné et enregistré une fois pour toutes, applicable à la demande. Et les photos signées sont automatiquement stockées dans un « album » (dossier !) distinct dans l’application Photos qui collecte toutes nos images. Temps gagné, chaleur conservée…

Les éclairages

BigBlue CB 7200PB

Pas de photo sous-marine sans éclairage ! C’est la base. Mais on peut désormais renoncer aux flashs électroniques pour utiliser des phares en lumière continue, bien plus pratiques puisqu’ils restent allumés en permanence et autorisent donc un contrôle précis de l’éclairement des sujets. Des bras articulés de différentes tailles permettent aussi d’ajuster l’éclairage en « déporté » (flux de haut en bas, de droite à gauche…)

Ces petits monstres à LED proposent en effet une couverture grand angle, une autonomie et une puissance démoniaque adaptée à chaque situation. J’ai déjà écris dans cet article tout le bien que je pensais de ces lampes BigBlue et leurs puissances exprimées en Lumens…

 

 

BigBlue CB 15000P

Ainsi, j’utilise un BigBlue CB 7200PB en éclairage principal déporté, solidaire de l’appareil et un autre phare CB 15000P posé, ou porté par l’assistant ou le sujet. Je retrouve ainsi la configuration que j’avais l’habitude d’utiliser « jadis » 🙂

 

A l’usage, ces lampes m’ont semblé produire une lumière un peu froide à mon goût mais rien n’empêche d’ajuster tout cela lors du dévellopement…

 

 

Plongées !

Ci-dessous quelques résultats obtenus en snorkeling avec ma fille Iona lors des différents tests, respectivement à la calanque de Samena, la calanque de Sormiou et celle de Callelongue… Et rendez-vous bientôt en Egypte, avec WonderfulDive à Port Ghalib ! 😉

 

 

Publié le Nov 17, 2022

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