« Il y a, au sud de Cherchell, la ville de Césarée, à l’ouest du petit fleuve Mazafran, sur une colline qui émerge, au matin des brumes roses de la Mitidja, une mystérieuse pyramide de pierre. Les gens du pays l’appellent le Tombeau de la Chrétienne. C’est là que fut déposé le corps de l’aïeul d’Antinéa, cette Cléopâtre Sélénée, fille de Marc Antoine et de Cléopâtre. Placé sur le chemin des invasions, cet hypogée a gardé ses trésors. Nul n’a jamais su découvrir la chambre où repose le corps splendide dans son cercueil de verre. »

Cette phrase tirée du roman de Pierre Benoit l’Atlantide que j’avais lu enfant m’avait toujours fasciné… l’Afrique, le désert, des pyramides oubliées, des trésors…

J’ai eu l’occasion lors de ce récent voyage en Algérie d’aller y voir de plus près, de confronter la littérature aux ruines bien réelles, d’écouter le vent dans les pierres orangées du matin, de me souvenir de la musique des mots…

L’origine de ce monument reste mystérieuse et les légendes qui s’y rattachent ont teinté l’histoire d’un voile fantasmagorique…

A l’époque, Le Maghreb romain était divisé entre la Numidie et  la Maurétanie. Ce mausolée royal de Maurétanie est certainement celui d’une famille royale numide ou maure qui s’est fait enterrer avec faste mais sans rompre avec la tradition de l’époque.

Dans le tombeau de Cléopâtre

La thèse historique la plus fréquemment admise attribue la construction de cet édifice à Juba II, souverain amateur d’art et de culture ayant peuplé sa capitale Cherchell d’œuvres d’art grecques et qui régna sur la Maurétanie par la volonté de l’empereur Auguste, de 25 avant JC à 23 après JC.

Sa femme, Cléopâtre Sélénée, n’était autre que la fille de Cléopâtre, reine d’Égypte et du général romain Marc Antoine…

Depuis ces périodes christiques le tombeau n’a cessé d’attiser les convoitises et de poser question. On raconte qu’un berger avait remarqué qu’une de ses vaches disparaissait toutes les nuits mais il la retrouvait pourtant au matin au milieu du troupeau. Un soir, il décida de la suivre et la vit alors s’enfoncer par une ouverture qui se referma aussitôt… Le jour suivant, s’accrochant à la queue de la bête, il pu entrer avec elle. A l’aube, il sortit de la même façon mais avec les poches remplies d’or et devint l’homme le plus riche de la région !

Ces légendes ont tellement impressionné les maîtres de la régence d’Alger qu’en 1555, le pacha Salah Rais a tenté de démolir le monument pour en extraire le trésor. A coups de canons ! Sans autre effet que d’abimer la « fausse porte » de l’est : on ne capture pas les légendes par la force… Au 18eme siècle Baba Mohamed fit procéder à d’autres « fouilles » mais ses ouvriers ont été chassés par des moustiques « devenus gros comme des oiseaux »…

Malgré son nom actuel, ce tombeau n’a rien de chrétien : il a été baptisé ainsi suite à une interprétation erronée de la croix qui orne une de ses « fausses portes », symbole datant de bien avant l’ère chrétienne…

Les premières fouilles archéologiques ont été effectuées par Adrien Berbrügger qui utilisa une sonde semblable à celle qu’on emploie pour creuser les puits artésiens. Après 4 mois d’efforts, la sonde rencontra un espace vide…

Le trésor de la chambre secrète

On perça alors un tunnel sous la « fausse porte » du sud pour découvrir une vaste galerie parfaitement conservée. Et bientôt, les « vraies » entrées et deux chambres centrales ! Mais les portes de pierre, montées sur glissière étaient brisées et les chambres vides… Pillées sans doute depuis l’antiquité… Mais ne subsisterait-il pas quelque chambre secrète à découvrir, à la manière des tombeaux égyptiens ?

Ayant repéré une entrée sombre dans le flanc du monument, je m’enfonce à l’intérieur. En direction d’un couloir perpendiculaire qui s’étire dans le noir… J’aurais voulu explorer à la frontale dans les couloirs obscurs, labyrinthes construits peut être pour perdre, piéger l’imprudent chasseur de trésors, ramper jusqu’aux pieds de la Sélénée noire de lune… Rêver au moins à quelque chambre cachée au delà des pierres secrètes mais une grille de fer forgé rouillée m’en empêcha. Ainsi brise-t-on les rêves…

J’en étais là de mes réflexions quand déboula une joyeuse bande d’étudiants en architecture de l’Université d’Alger. Photos souvenir… Et alors, je la vit : à n’en point douter, c’était elle la Cléopâtre Sélénée !