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Ma première plongée

Bretagne nordLe Mistral : Avis de grand frais dans la bouche ! Vent de liberté… Souffle puissant et salvateur aux sein de l’immensité aquatique. Une branchie externe de métal brillant, une trachée double qui permit à l’homme de faire sortir le génie aérien de la bouteille, de s’émerveiller dans les trois dimensions de l’espace marin, de briser le miroir des rêves terriens…

Je ne sais ce qui a présidé au baptême de ce détendeur : le vent du sud ou le poète provençal ? Car il y a les deux dans ce merveilleux engin : l’air « à la demande » et le souffle poétique d’un Philippe Diolé qui le raconta mieux que personne.

L’engin fit des émules bien au delà des rivages provençaux et c’est en Bretagne que je fis sa découverte…

Cela faisait des semaines que du haut de mon jeune age j’assistais au départ des « hommes grenouille » sur le Port de Kerfissien dans le Finistère nord ou nous passions nos vacances. Au cœur de cette Bretagne nord de tempête et d’écume ou les rares estivants rougissaient plus de vent que de soleil… Il y avait là un groupe de plongeurs passionnés dont le leader faisait profession de démineur et dont le but avoué était de découvrir une épave connue dans l’histoire et sur les cartes marines mais qui restait insaisissable… Je les regardait partir, assis sur les boudins du Zodiac, suivis d’un V d’écume qui, jour après jour, n’était pas celui de la victoire. Pas encore…

Ils se livraient aussi à des entrainements dans le bassin du port, des manœuvres bizarres ou se mêlaient palmes, bulles et chuintements d’air sous pression. Je ne perdais pas une miette de ces ballets sous-marin, me débrouillant déjà bien sous l’eau avec palmes masque et tuba. Mais la machine à rêve ne démarrait que lorsque je voyais plonger ces hommes de caoutchouc noir rayé de jaune, dissimulés derrière ces masques carrés pourvus de curieux appendices autour du nez, et portant surtout dans le dos une bouteille !  Jaune, lourde, munie de ces sangles en coton et de cette bouclerie étrange qu’on appelait rapide… Et que dire de cette tringle, objet de toutes les attentions, la réserve ? Qui me semblait surtout conçue pour se coincer partout. Mais l’apanage du « vrai » plongeur était sans conteste ce détendeur avec ses tuyaux annelés entourant la tête de ceux qui disparaissaient sous l’eau dans un nuage de bulles pour un voyage que je jugeais infini… Tout cela sentait la haute technologie… L’aventure. Et je n’en pouvais plus d’essayer à mon tour…

C’était l’époque ou la passion tenait lieu de diplôme, le « marche ou crève » d’enseignement. Remarquant ce minot quotidien, les yeux écarquillés, l’un des héros luisant d’embruns me demanda un jour :

– Tu veux essayer ?

C’est peu dire que je répondis : Oui !

Ma première plongée, mon baptême, allait se faire dans l’enceinte du port, à marée haute. C’est ainsi que j’entrais dans « le monde du silence« , la chair de poule tenant lieu de combinaison isothermique. Sur mes épaules, les tuyaux du Mistral (enfin !), l’embout tenant a peine dans ma bouche trop étroite d’enfant…

Dans les algues laminairesMa première inspiration fut un désastre : une giclée d’eau salée fit irruption dans ma gorge me faisant tousser. Mais j’étais déjà sous l’eau, à suivre mon mentor. Habitué à l’apnée et aux glougloutement des tubas ancienne génération, je ne m’attendais certes pas à ce que l’acte de respirer sous l’eau soit facile… C’était donc ça la « plongée autonome » : cette sensation amphibie, ce mélange d’air froid et humide et de cette eau de mer pulvérisée ?… J’en pris mon parti et appliquais aussitôt une méthode pour séparer l’air en direction de mes poumons, et l’eau que je recrachais comme je pouvais. Je savais que ce détendeur génial avait été inventé par Emile Gagnan, ingénieur à l’Air Liquide. De l’air liquide, c’était exactement cela !

D’ailleurs, qu’importe cette petite gène quand on a la chance de voyager au sein des palmeraies de laminaires et des lampions de sargasses, dans cette eau verte ou les bars du coin se cachent dans les jets d’himanthales ? Tout un monde vivant, mobile et pulsant au rythme du ressac et des courants secrets ou je traçais à petits coups de palmes ma voie, ma vocation… Je ferais d’ailleurs ma première plongée au large dès le lendemain, ayant été jugé « apte »… Et découvrirais par hasard l’épave tant convoitée. Mais c’est une autre histoire…

Je sortis de l’eau, émerveillé et bleu. Les doigts gourds dévissant à grand peine le matériel à rincer…

C’est alors que j’entends le préposé au matériel qui depuis un moment fouille comme un possédé dans les équipements épars :

– Il est ou le Mistral foutu ?

– Il a plongé, non ? répond un des moniteurs

– Celui là ? Rigole Loulou en agitant le mien, dégoulinant comme un poulpe à deux tentacules… Ca m’étonnerais : la membrane est crevée !

Telle fut ma première sensation de plongée : Un monde vert et glacial, plus proche de la noyade programmée que de l’air vivifiant des cimes… Mais cette formation là, voyez vous, je n’aurais pas voulu en changer !

Le Mistral, détendeur de légendePlus tard, le Mistral fut relégué aux oubliettes de l’histoire, remplacé par le détendeur à deux étages : un stupide tuyau orphelin, un « tuyau à gaz » qui n’avait rien de sérieux. La preuve : depuis l’avènement des recycleurs, on est revenu aux tuyaux annelés…

Article écrit à l’occasion de la rédaction du  livre consacré au détendeur de légende aux Presses du Midi, dont nous nous faisions l’écho récemment.

Publié le Août 27, 2009

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24 Commentaires

  1. Denis

    C’est sympa comme note, on devrait tous écrire notre première plongée.
    Moi aussi je rêvais devant les combinaisons noires et jaune des hommes de Cousteau. C’est d’ailleurs resté un emblème de la plongée pour moi. Mon matos est noir et jaune, entièrement équipé par Cressi (je sais que je peux citer cette marque ici…)
    Le mistral, je n’ai pas connu par contre, j’ai tété du detendeur à l’âge de 10 ans mais pour un simple aller retour à 1 mètre. J’ai du attendre beaucoup plus tard pour gouter au joies de la bouteille. Et heureusement, je n’ai jamais connu la réserve.
     

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  2. James-Harry Dreux

    Pour moi qui ai appri à plonger avec une bouée en peau de zodiac cela me rappel de vieux souvenir ❗

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    • Francis Le Guen

      Bouée en peau de Zodiac et slip en peau de Tarzan ! Je connais 😉

      Bienvenue ici James (Bond ?)

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  3. Anthony

    Quel récit ! Je rêve d’essayer un mistral… la sensation de faire comme les anciens (Non non c’est pas de toi que je parle :lol:) et de ne pas avoir les bulles devant la figure en permanence qui m’oblige à ne plus respirer pour prendre des photos !
    J’ai vu qu’ils avaient ressorti un modèle il y a quelques temps…  sans la fameuse soucoupe… as-tu essayé ?

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    • Anthony

      Ah oui j’oubliais… ma première plongée: baptême avec le centre d’océano de Marseille… dans les eaux désertes et pelées de Malmousque… Même pas une fuite dans le détendeur ni la moindre panne…  😥

      Réponse
    • Francis Le Guen

      Alors il faut que je t’exhume le mien ! Fouilles à la cave… 😉

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      • Anthony

        Oh chiche !!! Dis, c’est pas celui de ta première plongée hein ? 😛
        En parlant de mistral, comme on dit, ça bastonne dans les calanques aujourd’hui !
        Ah oui au fait, tu as eu mon mail au sujet des calanques ?
        A+! 🙂

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        • Francis Le Guen

          Pas un temps à sortir, effectivement ! J’ai bien reçu les infos concernant le bateau… A voir !

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  4. @lain

    Bonjour Francis,
    j’imagine bien votre récit sous forme de petit court-métrage à la façon carnet de plongée 😉
    Assis sur une plage les yeux fermés cachés derrière une paire de lunette de soleil, en train de vous remémorer vos souvenirs d’enfances…
    pour notre part (ma fille, ma femme et moi), cela à commencé dans une piscine en Guadeloupe dans 50cm d’eau 😆
    mais on a très vite gouté au plaisir de la plongée dans le bleu, quelque jours plus tard sur Petite-Terre 8) , profitant d’une petite excursion en catamaran, le club de plongée qui travaillait avec notre hôtel proposait des baptêmes en mer et nous voilà donc parti pour une plongée dans 5-6 m de profond à découvrir le monde marin, sa beauté (il est vrai qu’il y a pire comme endroit pour passer un baptême), se monde de tranquillité… Voilà pour nous en quelques mots comment nous avons débuté.
    J’en profite pour vous féliciter pour ce blog fort sympa que je découvre tout doucement (il a y de quoi passer quelques heures de lecture).
    Sinon je suppose qu’on vous a déjà à mainte fois poser la question, mais à quand le carnet de plongée vol4 et peut-on espérer le voir en HD ou Blue-ray?
    Amicalement

    Réponse
    • Francis Le Guen

      Bien vu Alain, je n’avais pas pensé à une mise en scène de ce type… Je note ! 🙂

      Sympa vos récits de premières plongées. Et si tout le monde s’y mettait ?

      Quand aux Carnets 4, ils seront tournés en HD mais il n’est pas sûr que les DVD le soient. Quand à la date… Je ronge mon frein ! Encore un rendez vous à Paris bientôt, pour dénouer l’écheveau…

      Réponse
      • @lain

        Avis aux amateurs, n’ayaient pas peur çà fait pas mal :),je suis certain qu’il y aura des petits récits et anecdotes sympas

        Sinon m…e pour la suite du projet 😉

        amicalement.

        Réponse
  5. LORIDON Gérard

    Ma première plongée en CG 45 c’était dans la piscine de la rue de Pontoise à Paris qui avait déjà servi aux essais du Le Prieur. Donc un lieu doublement historique.
    Ma première plongée avec le Mistral c’était lors de la pose d’un émissaire à Bormes les mimosas (il y a le port dessus maintenant)
    Une sacrée aventure là aussi.
    Mais qui cela peut-il intéresser ?

    Réponse
    • Francis Le Guen

      J’ai plongé à la piscine Pontoise ! Kitsch… 😉
      Quant à tes souvenirs, ils nous intéressent. Tous les lecteurs. N’est ce pas ?

      Réponse
      • Anthony LEYDET

        Oui oui, on veut tout savoir, même l' »inracontable » !!! 😉

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        • Francis Le Guen

          Alors, dans le genre inracontable, PIRATES! de Gaby Di Domenico, que nous finalisons en ce moment, c’est une bombe… 😉

          Réponse
          • Anthony LEYDET

            Oui j’attends ça avec impatience… Tétard is back ! Prévu pour quand ?

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            • Francis Le Guen

              Septembre prochain. En tandem avec GEANTS de Gérard Soury 😉

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  6. LORIDON Gérard

    je vais y penser, car j’en ai des histoires à raconter
    En cours « Souviens toi quand tu étais scaphandrier.. »
    Fais moi entrer chez Glénat et en plus tu me fera la préface

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    • Francis Le Guen

      Je t’ai DEJA réservé une petite place dans la collection Carnets de Plongée ! 😉 Mais l’éditeur ne publie pas assez vite !!! Enfin, les choses vont bientôt s’accélérer…

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  7. LORIDON Gérard

    Mon manuscrit fait 60 pages A4
    voir ci dessous le sommaire :

    Débuts sérieux dans la profession.
    Le vêtement du Cdt Cousteau
    De la Sogétram au GERS
    Premiers…sur l’avant du GREC en 1956
    « …Cela ne vaut pas l’air du Bon Dieu… »
    La raclette… encore des pionniers !
    La Saga de nos véhicules d’époque.
    Scaphandriers sous les ponts.
    Le Pont sous la mer
    Les Hommes torpilles attaquent.
    La lance thermique.
    Le détendeur Alizé de la Spirotechnique.
    La drague Dabrousskof
    L’affaire de l’île Dorian.
    Le rodéo du Lancy
    L’épave du havre.
    L’Émissaire de Port Gabiani.
    Tanger, nid d’espions et de…scaphandriers.
    Mes visites d’ouvrages immergés.
    Sourd comme un scaph’
    La Panthère gecque

    Réponse
    • Francis Le Guen

      On voit ça en privé ! Ici, j’ai peur qu’on nous lise 🙂

      Réponse

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