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Les dimensions invisibles des espaces de Calabi-Yau

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Illustration extraite de Visualization sur Wolfram.com

Précisons tout de suite que ce post n’a rien à voir avec une quelconque recette de cabillaud (j’en connais par ailleurs de succulentes) mais entend vous faire pénétrer le monde merveilleux des espaces de Calabi-Yau, du nom de leurs deux découvreurs, Eugenio Calabi et Shing-Tung Yau. Jusque là, tout est clair…

Vous connaissez l’histoire : pour décrire notre Univers, nous disposons de deux théories. La Relativité générale d’Einstein (l’espace temps), qui fonctionne parfaitement pour les grandes échelles. Et la Mécanique Quantique (probabiliste) pour l’infiniment petit et le comportement des particules. Sauf que les deux théories sont incompatibles ! Comme Dieu n’a probablement pas changé en cours de route une formule qui gagne, force est de constater qu’il doit exister une « théorie unificatrice » qui englobe les deux autres. Les matheux pensent l’avoir trouvée en supposant l’existence d’autres dimensions qui nous seraient invisibles. En effet, la cohérence physique (fonction d’onde donnant des probabilités non-négatives) impose la présence de dimensions supplémentaires.

La théorie des cordes

Oubliez molécules, atomes, neutrons, électrons, protons, et même hadrons, leptons, positrons, bosons… Vous pouvez aussi jeter les quarks à la poubelle : la matière n’existe pas ! Toutes ces « particules » seraient constituées en fait de « cordes » infinitésimales qui vibrent dans un espace multidimensionnel. De la nature de la vibration et de la forme de l’espace en question naitraient toutes les particules connues et le monde « physique » qui nous entoure. Et oui, même les plus lourds d’entre nous sont des spectres : nous ne sommes que des fonctions d’onde ! Je vous sens tout vibrants…

Selon la théorie des cordes, notre monde, apparemment tridimensionnel, ne serait non pas constitué en effet de trois dimensions spatiales et d’une temporelle, mais de 10, 11, ou même 26 dimensions ! Sans ces dimensions supplémentaires, la théorie s’écroule. La raison pour laquelle elles restent invisibles à nos yeux, est qu’elles seraient enroulées sur elles mêmes par le procédé de la réduction dimensionnelle à une échelle microscopique (des milliards de fois plus petit qu’un atome), ce qui ne nous permettrait pas de les détecter.

Comment est-ce possible ? Imaginons un câble vu de loin : celui-ci nous apparait comme une droite sans épaisseur, un objet unidimensionnel. Mais si l’on se rapproche assez près, on s’aperçoit qu’il y a bien une deuxième dimension : celle qui s’entoure autour du câble. Tout est question d’échelle… D’après la théorie des cordes, le tissu spatial pourrait avoir de très grandes dimensions comme nos trois dimensions habituelles mais également des dimensions minuscules enroulées sur elles-mêmes. Ces dimensions infiniment minuscules seraient donc cachées (enroulées) autour de chaque point de l’espace. Elles pourraient prendre la forme de cercles (1 dimension supplémentaire, enroulée), de sphères creuses (2 dimensions supplémentaires), de sphères pleines ou de tores (3 dimensions supplémentaires), mais on est encore loin des dimensions manquantes. C’est là qu’interviennent les espaces de Calabi-Yau, capables de cacher en leur sein 6 autres dimensions supplémentaires. Mais comment « visualiser » ces dimensions ? Quelles formes peuvent-elles avoir ?

Des dimensions enroulées

Calabi-Yau-alternateCes curiosités topologiques qui décrivent la forme des dimensions enroulées sont minuscules (lorsqu’elle est utilisée en tant que dimension enroulée, la taille d’une variété de Calabi-Yau vaut la longueur de Planck, soit 10-33cm…). C’est une forme extrêmement complexe constituée à elle seule de 6 dimensions. Grâce à elles, on se retrouve bien avec dix dimensions : nos quatre dimensions habituelles (trois d’espace et une de temps) + les six des espaces de Calabi-Yau. À partir de la dimension complexe 3 (dimension réelle 6) le nombre de Calabi-Yau devient infini et il n’existe pas encore de classification générale. On peut en construire toutefois un grand nombre qui possèdent en plus la propriété d’être des variétés toriques. Mais la complexité de cette variété est telle qu’elle ne peut pas être représentée exactement. Ses six dimensions propres lui confèrent ces replis et déformations, car c’est bien de la compression de la variété que découle cette complexité en 2 dimensions.

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Illustration extraite de Visualization sur Wolfram.com

Ci dessous, quelques autres déclinaisons multidimensionnelles de l’espace de Calabi-Yau modélisées avec le logiciel Mathematica

Explorations graphiques

Sur Apophysis, on peut simuler quelques figures avec des dimensions repliées sur elles mêmes… Notons que ces dessins sont de « l’exploration artistique » et n’ont aucune prétention scientifique. Celle ci dessous m’évoque un flux sanguin infini, quelque pulsation secrète de la nature…

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Voyage dans la fumée dimensionnelle…

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Et voici un nouveau monde en train de se déplier, « rien que pour vos yeux » :-)…

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Petit palier de décompression dans la lampe magique…

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La théorie des cordes avec Incendia : de quoi se faire des nœuds au cerveau ?

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Encore plus de cordes à votre arc ?

Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette belle théorie, voici deux extraits (en anglais) de l’émission du brillant Brian Greene qui a été diffusée récemment sur Arte et qui vous en dira un peu plus…


Et ci-dessous, pour les geeks, un espace de Calabi-Yau avec lequel vous pouvez interagir (nécessite l’installation d’un GROS plugin de chez Mathematica)… Et pourtant, il tourne ! ;-). Testé sur Firefox.

Et pour les débutants, un petit point sur les bases de la physique quantique. Bonnes plongées dans la dixième dimension et le troisième degré… 😉

Publié le Mar 5, 2013

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7 Commentaires

  1. berlherm

    La corde est faite de quoi?
    > De particules élémentaires chainées comme des perles de pinpin sans dimensions… 0+0+0+0+

    La corde vibre dans quoi?
    > On s’en fout pourvu que cet inconnu l’autorise à vibrer.

    La corde vibre selon quel rythme?
    > À force de diviser le temps je n’ai plus de temps que pour un temps et peut-être n’y a-t-il plus de temps pour expliquer le temps.

    Réponse
    • Francis Le Guen

      Et le vertige nous prend… 😉
      Quant aux questions concernant ce qu’il y a « autour des cordes » elle n’a pas lieu d’être selon les spécialistes. C’est comme si on posait les questions :
      – Est-ce que le chiffre neuf est heureux ?
      – Un cube a-t-il faim ?

      Réponse

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