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Je n’ai rien contre les tortues

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L’an d41ernier, sur le magazine Scuba-People, je me suis lâché… Le pitch : dix neufs billets qui parlent de la plongée autrement.

De l’humeur, de l’humour, de l’amour, toujours… Un ton. Une réflexion. De féroces caricatures !

A la lumière de presque… 50 ans d’expérience de la plongée.

Pour patienter en attendant la suite des tournages de Scub@parté (le temps que mon complice Manuel Lewin achève son tour du monde de la plongée…), j’ai décidé de faire du neuf avec du vieux !
Pour celles et ceux qui, par extraordinaire, n’auraient pas lu ou entendu ces rubriques « second degré » et aussi parce que je me suis quand même bien amusé à les écrire et les « parler », je republierais ici même, à priori tous les vendredi, ces calembredaines, qui parfois ont fait des vagues…

Je n’ai rien contre les tortues !

Mais quand même… En fait, j’ai une espèce de problème personnel avec les tortues. Culturel… Déjà, il n’y à qu’à regarder la télé. Pas un documentaire animalier sans sa tortue. Pas un voyage sans «la plage aux tortues». Oui, elles viennent pondre dans le sable. Vous savez bien. On en voit partout ! Ensuite, les voyages «nature». Alors là, c’est le bouquet. Je vous défie de trouver une excursion où ne vous sera pas proposée la visite à la plage du coin «lieu de ponte unique des tortues» !

Alors vous allez passer une partie de la nuit couchés à grelotter dans le sable humide, à la frontale, pour regarder accoucher ces grandes tortues, œuf par œuf au bout de leur trompe dégueulasse. Et repartir en se trainant comme des malheureuses jusqu’à l’écume. Mais qu’on les porte, une bonne fois pour toutes quand elles ont fini ! Les voir en chier comme çà, entourées de touristes, ça fait mal au  cœur…
Sinon, il y a variante : «la naissance des tortues». Là, c’est l’inverse : les œufs qui éclosent, tous ces bébés tortue qui sortent du sable et qui se mettent à dévaler vers la mer. Enfin, ceux qui y parviennent parce que vous connaissez l’histoire : les oiseaux sont là et en piquent les 9/10 pour un baptême de l’air définitif. L’occasion de verser une larme (de tortue) sur la cruauté de la nature qui par ailleurs s’en fout !
On nous vend donc les tortues à l’aller et au retour !

tortue-mexique

Voilà un sujet de choix pour les documentaristes en mal d’inspiration : ce qui explique sans aucun doute l’abondance des scènes de tortues à la télé. C’est ce que je croyais. Jusqu’à ce que je fasse de la télé moi même. Et que je découvre, horrifié, ce qu’il faut bien appeler la «conspiration de la tortue». Je m’explique.
Toutes les destinations que j’ai eu le plaisir de vous présenter dans les émissions Carnets de Plongée n’offraient pas évidemment les mêmes attraits. Question d’océan, de latitude, de richesse des écosystèmes, de virginité des lieux… Or, quelques soient les conditions, il fallait pourtant bien réussir à boucler une émission de 26’. Et ne pas vous resservir deux fois le même menu : il y aurait eu des plaintes !
Alors, même si dans certains cas, la pauvreté des fonds n’autorisait guère le choix, je crois que nous avons tenu le pari de vous raconter une histoire différente dans chaque épisode. Mais que de prises de têtes ! Il a fallu parfois déployer des trésors d’imagination pour peupler quelques déserts sous-marins que je ne citerais pas.

Plus d’un responsable de centre a cherché à «noyer le poisson» nous vantant avec la plus parfaite mauvais foi sa destination. Et c’est là qu’interviennent les tortues, mais je vais y revenir…
On nous dit qu’elles sont en voie de disparition. Trop chassées. A Rodrigues par exemple, du temps des explorateurs, il paraît qu’on marchait sur le dos des tortues jusqu’aux bateaux venus les exterminer sans poser le pied par terre. On en est loin aujourd’hui : on est obligés de marcher dans le sable !

D’un autre côté, il faut se mettre à la place des chasseurs. Parce que finalement, il n’y a pas plus con qu’une tortue. Ça passe et carapace. Et c’est facile à rattraper même si elle part à point. C’est tentant. Il n’y a plus qu’à la retourner, à lui découper le bide à la machette et à la faire griller sur un feu de bois, dans sa carapace : les vivres, et le couvert !
Les tortues marines, c’est pareil. Sans compter qu’il y a plein d’espèces différentes : tortues vertes, carettes, luth, de toutes les tailles, de toutes les couleurs. Allez vous y retrouver ! Alors, au fusil, au filet, à la dynamite : les moyens ne manquent pas pour se faire un festin de tortues.

Oui mais elles sont en voie de disparition et protégées partout. Bon. Il y a même des associations pour protéger les tortues. On les compte. On en réintroduit. Bon. C’est très bien ! Vive les tortues.
Mais, imaginez un peu le cauchemar : l’équipe des Carnets de Plongée fraichement arrivée à l’autre bout du monde n’est pas fraîche : le décalage horaire. Nous avons tous en mémoire les dizaines de séquences de tortues des films précédents… Il n’y a que l’eau qui change ! On n’y reviendra plus. Promis. Mais voilà que la première plongée sur place révèle l’étendue de son désert !

Alors, les yeux injectés de sang, on cuisine les responsables, on les accouche, on traque ensemble les sites susceptibles de constituer une histoire… Il faut pourtant bien ramener un film ! Le type danse d’un pied sur l’autre, bien embêté. Et soudain, les yeux brillants, illuminé par La Révélation, il sort sa carte maîtresse et dit, la bouche en cœur : «Aaaah mais j’ai un spot super pour vous ! Avec des tortues !
Pffff…
Naturellement, le chef de centre ne comprends pas que je balaye cette manne d’écaille d’un revers de palme et que je demande à voir autre chose. Ses chères tortues ! Sa richesse ! On vient du monde entier pour les voir ! Et eux, là, qui crachent dans la soupe… Meeeeerde !
Aaah dans ce métier, on ne se fait pas que des amis…
Mais c’est comme une malédiction… Partout où je suis allé, on me sert des tortues. Floride : des tortues d’eau douce ! Cenote Angelita au Mexique : une tortue ! Rodrigues : des tortues. Mer rouge : tortues ! On croit être tranquille en Polynésie : des tortues !

En voie de disparition ? Espèce à protéger ? Mon œil : il y en a partout !
On a pourtant bien essayé d’en flinguer un maximum avec des sacs plastiques en forme de méduses mais il en reste ! Partout ! Heureusement, dans quelques pays évolués, j’ai pu filmer des mecs qui les chassent qui les pêchent et qui les bouffent ! C’est d’ailleurs délicieux la soupe… de tortue.

 

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Publié le Mai 23, 2014

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3 Commentaires

  1. Le Vieux scaf

    Enfin , Francis tu écris tout haut ce que je disais à mon épouse tout bas en découvrant ces documentaires tortuesques à longueur de petite lucarne
    J’espère que tu vas en faire autant pour les baleines, les phoques et les …requins gris des grands fonds que je découvre à toutes les sauces
    Et moi les sauces je connais.
    Il arrive de temps en temps que je soupire d’aise en redécouvrant les fonds provençaux et corses avec un ballet de rougets fouineurs, une belle rague à sars, ou quelques corbs majestueux
    Les mérous j’en voudrais bien un peu moins, encore que les réserves de Port Cros et de Scandola éveillent chez moi une ire à répétition :
    – Comment se fait-il que l’on soit assez stupide pour ne pas étendre cette pratique !
    Ire d’autant plus grande que je prêche dans le vide sidéral.
    Allez j’arrête là, certains vont se dire que ces vieux scafs’ sont des râleurs impénitents qui nous feraient revenir à l’âge de pierre…

    Réponse
    • Francis Le Guen

      Les réserves font peu à peu leur chemin… J’ai rencontré à Ajaccio Jean Marie Dominici de la réserve de Scandola. Il m’a donné envie d’y plonger ! Les corbs font 4 kg… 😉

      Réponse

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