Calanques de Marseille, mi juin 2014…

Au moment de se mettre à l’eau, à l’ombre du roc blanc inondé de soleil, j’entends presque les cris de l’équipage du Markos Sestios en train de sombrer dans la tempête avec sa cargaison de vin d’amphore qui n’arrivera jamais à Marseille.

J’entends la voix du corailleur Cristanini, découvreur de l’épave ; puis les ordres du Commandant Cousteau qui réalisa ici les premières fouilles archéologiques sous-marine de l’histoire. Oui ce rocher du Grand Congloué parle à l’esprit…

Dans la zone interdite

Nous dévalons le tombant mousseux, dans une visibilité moyenne et déjà, émergeant du sable à -45m, apparaissent les premiers tessons de poteries. Nous plongeons dans la « zone interdite » du Grand Congloué… Rien que le nom fait rêver et flatte l’esprit rebelle de chacun de nous. Zone interdite, mais pourquoi, au fait ? Sans doute parce qu’ici ont fait naufrage quantité de navires antiques.

Il fallut aux spécialistes plus de 25 ans d’études et de polémiques pour mettre en évidence la présence de deux épaves partiellement superposées et distantes dans le temps de près d’un siècle :

L’épave du Grand-Congloué 1 date du tout début du IIe siècle av. J.-C. Sa cargaison était composée pour l’essentiel de 400 amphores à vin gréco-italiques et d’un lot de 7000 pièces de vaisselle campanienne. Une trentaine d’amphores grecques complétaient ce chargement.

L’épave du Grand-Congloué 2, datant de la fin du IIe siècle ou du tout début du Ier siècle avant J.-C., contenait plus d’un millier d’amphores vinaires romaines de type Dressel 1A. Des études récentes ont définitivement démontré que ces amphores venaient de Cosa en Étrurie, l’actuelle Toscane.

Sachant également qu’il y a sur le site une troisième épave romaine, pillée dans les années 60 et quantité d’autres alentours dont des cargaisons de Dolia…

C’est à partir de 1952 que la fouille dite du Grand-Congloué, du nom du rocher au pied duquel le site se trouve, a été réalisée dans la rade de Marseille par l’équipe de plongeurs du commandant Cousteau sous la direction scientifique du professeur Fernand Benoit, directeur des antiquités de Provence.

Une histoire racontée en détail (et d’autres du même tonneau…) dans les récents livres de la collection Carnets de Plongée chez Glénat : Amphores de Gérard Loridon, et Pirates ! de Gaby Di Domenico.

Plongée dans le rétro…

Toujours est-il qu’en ce beau jour d’été, Marc Langleur, le sémillant Président du Club « Bulles de rêve », nous avait obtenu l’autorisation exceptionnelle de plonger à cet endroit. Immense privilège que cette dérogation temporaire de la Préfecture Maritime de Méditerranée qui n’avait pas été accordée depuis des années…

Il n’en fallait pas plus pour que s’organise une plongée commémorative pour les adeptes de la plongée « Vintage », certains venus même spécialement des États-Unis ! Nous allions plonger dans le sillage du Commandant Cousteau, là où débuta l’extraordinaire aventure de la Calypso, et en costumes d’époque !

Mariuz Makowsky, de Massilia Plongée, fournissait la logistique et nous nous étions mis à l’eau du côté est du Grand Congloué, pour contourner le rocher à main gauche et descendre le tombant mythique.

Tandis que les plongeurs équipés de recycleurs sondaient aussitôt au delà de 45m, au pied du tombant, nous profitions déjà de la faune exceptionnelle des lieux : raies ondulantes, en points d’exclamation, rascasses dans chaque trou, mérous…

Et surtout, un serpent anachronique et concrétionné : les vestiges du tuyau de la suceuse utilisée à l’époque par les hommes de Cousteau pour dégager les amphores. De grandes gorgones pourpres l’on depuis colonisé. Ce qui donne, au passage, une statistique précise sur leur taux de croissance en ces eaux…

Voici quelques images de cette belle et émouvante plongée dans le passé…

Avec les anciens de la Calypso

Nous achevions cette belle aventure par un déjeuner au Tropicana, sur la plage de la Pointe Rouge, avec les anciens plongeurs de la Calypso, venus spécialement. André Laban, Raymond Coll, Zonza, François Dorado et tant d’autres qui nous régalèrent de leurs souvenirs.

Et pour finir, voici la vidéo d’Erwan Savin, réalisée à cette occasion et qui est en concours au prochain Festival Mondial de l’Image Sous-Marine à Marseille. On s’y retrouve ? 😉