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Gérard Loridon, mémoire de la plongée pro

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Notre collection consacrée aux récits vécus de plongée s’agrandit. C’est avec grand plaisir que j’ai accueilli Gérard Loridon au sein de cette collection d’ouvrages qui comptera 18 titres, pour l’opus n° 6 : Amphores.

L’expérience de Gérard et son vécu sont irremplaçables et il est surtout un conteur truculent. Laissons le d’ailleurs nous narrer une partie de sa vie…

Le temps des pionniers

Gérard LoridonNé, le 13 Novembre 1933 à Boulogne Billancourt, rien ne me prédispose à la conquête du monde sous-marin. Seuls peut-être, les gènes de mes ancêtres vénitiens peuvent expliquer ma passion, à 16 ans, pour la chasse sous-marine. Sport tout nouveau, que je découvre en Corse.

Adepte du scoutisme au sein des Éclaireurs de France, j’entre au Clan Routier « Claude Sommer » à 18 ans. Nous y pratiquons la plongée, spéléologique d’abord, sous-marine ensuite. Le clan est dirigé d’une main ferme par André Galerne, un héros de la Résistance.

La bande d’adolescents, à qui il a fait découvrir cette passion ne veut plus entendre parler d’une autre activité. Il va donc créer, en 1952, la SGTMF, une communauté ouvrière qui sera la première entreprise de travaux sous-marins en scaphandre autonome. Entreprise qui obtiendra un contrat d’exclusivité avec EDF pour tous ses travaux sous marins. Noble, mais quelquefois redoutable profession, ce sont des plongées dans l’eau noire, vaseuse et, de temps en temps profonde… souvent dangereuse. J’adhère à cette entreprise d’avant-garde, avec fougue et  passion.

La grande aventure commence. Installation du siège social, sur une péniche en béton, dont il faudra retirer tout le sable. Elle est amarrée à Paris au Pont de Bercy. Là ou se trouvent maintenant les piliers du Ministère des Finances.

Nous allons être les premiers à visiter les fonds des lacs d’altitude où EDF bâti ses barrages. Nous allons visiter les ouvrages aux parties immergées et les réparer. Ce qui est souvent nécessaire. Rien n’existe dans ce domaine, nous allons tout créer…

Le Commandant Cousteau est alors très demandé. Il ne pourra répondre à une proposition importante des syndicats de Pêcheries Mexicaines. Il va la transmettre à son ami André Galerne. Ce dernier va donc m’emmener avec lui en Février 1954, faire un film, au Mexique, pour le compte des grandes Pêcheries de crevettes de la Réfrigéra del Noroeste.

Nous serons les premiers plongeurs en Mer de Cortès (actuel Golfe de Californie) au milieu des phoques, des requins, des baleines, des raies manta, des orques. Animaux imposants auxquels aucun plongeur ne s’est encore jamais frotté.

Le 1er Novembre 1954, je suis appelé sous les drapeaux. Je remplirai avec fierté, mes devoirs militaires, dans la Marine Nationale, au GERS. Comme plongeur d’essais, je servirai sous les ordres d’officiers prestigieux, le Cdt Philippe Tailliez, le Cdt René Chauvin et le Pharmacien Chimiste Principal René Perrimond Trouchet, le Docteur Cabarou, le Docteur Broussolle. Je participe à la mise au point du DC 55 et de l’Oxygers, appareils des Nageurs de Combat, encore en fonction, il y a peu de temps. J’effectuerai aussi de nombreuses plongées aux côtés de Frédéric Dumas, le compagnon du Cdt Cousteau.

En Mars 1957, libéré de mes obligations militaires, je rejoins la SOGETRAM. Où l’on va me faire procéder aux essais d’une aile marine, dans les rudes courants de la Manche. J’y participerais, pour les recherches géologiques sous-marines, destinées au projet pharaonique de l’EDF :  La mise en place d’un barrage marée – motrice de 60 kilomètres. Ouvrage, non réalisé par la suite, mais qui devait fermer la baie du Mt St Michel.

40 ans, chef d’entreprise… 77 ans, dans les Cévennes, en Méhari… En ville, actuellement.

Je quitte Sogétram en 1957 pour créer une entreprise dans le Var, à Six fours, la SERMAR, qui emploiera jusqu’à 25 scaphandriers. L’époque est à la propreté des plages et au bétonnage de la Côte. Il faut mettre en place des stations d’épurations et des émissaires en mer. Je mets au point un brevet de fixation, de lestage et de protection de ces tubes immergés qui font souvent plus d’un kilomètre, et obtenir, ainsi, 80 % des marchés de pose d ‘émissaires en mer du littoral méditerranéen français, de Menton à la frontière espagnole.

Par ailleurs, pendant cinq années, mon entreprise va tourner au maximum de son personnel sur le projet du Gazoduc d’Afrique du Nord. Dans le détroit de Gibraltar aux courants violents, sur les bancs de Trafalgar, au Cap Spartel, nous allons explorer tous ces fonds en théorie inaccessible…

À 41 ans, j’épouse en justes noces, Danièle, Violette, Andrée Dousson, une jolie Cévenole, ma cadette de douze années. Nous allons partir en Corse, pour créer, dans notre maison de Pianotolli, un accueil touristique de chambres et tables d’hôtes. Au bout de 3 années sabbatiques, nous serons de retour sur le continent. J’aurais pendant cette période fais connaissance avec le corail rouge. Je le taillerais par la suite pour en faire des bijoux.

Ensuite, je retrouve mes origines professionnelles en devenant responsable d’équipes de visite d’ouvrages immergés dans différentes entreprises. Grâce à l’expérience acquise, expert dans cette spécialité, je finis une carrière commencée 42 ans plutôt. Entre-temps, j’aurais passé 3 années à la COMEX, comme responsable commercial du sud de la France distribuant le matériel de cette illustre entreprise.

Prenant une retraite, justement méritée, à 60 ans, mon dynamisme est intact. Je suis l’un des fondateurs de SCAPH’50, l’association des pionniers de la Plongée Professionnelle, et le créateur de son bulletin interne SCAPH’50-Infos. Retrouvant mes amis Plongeurs Démineurs, je vais adhérer à leur amicale et créer là aussi un magazine auquel je donnerais son titre « l’écho des grands fonds ». Enfin, découvrant l’informatique, je vais commencer à écrire mes souvenirs, dans des livres et sur mon blog : Le scaphandrier. Des anecdotes, des aventures que j’ai vécues au cours d’une époque ou foisonnais des personnages prestigieux, dont beaucoup sont devenus mes amis…

Pour terminer en beauté, et laisser une belle partie d’Histoire à ceux qui vont nous suivre, je crée, en 1994, à Sanary, dans le VAR le Musée de la Plongée dédié à Frédéric Dumas. Avec à mes côtés Pierre Yves Le Bigot, le pilote du sous-marin qui est descendu sur le TITANIC. Il sera le Président du Musée. Nous allons devenir une paire d’amis, qu’une jeune et jolie journaliste de la presse locale appellera « les fous de mer… »

Maintenant, avec mon adorable épouse Dany, nous nous retirons, six mois par an, dans notre Mazet Cévenol, au fond de la Vallée Borgne, où elle illustre les ouvrages que j’écris sur mes aventures et souvenirs… Quand, nous ne sommes pas, sac au dos, accompagné de notre cocker Payo, en randonnée dans le Massif de l’Aigoual.

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Amphores est un livre formidable, témoin de ces époques héroïques ou tout était à inventer… En voici un extrait :

Allons z’enfants de la poterie… (Dominique Sérafini)

« Que celui qui n’a jamais remonté une amphore sans la déclarer me jette la première pierre »

AMPHORESUn silence blanc se fit autour de nous lorsque l’un de mes amis, que je ne nommerais pas ici, lança cette phrase sacramentelle empruntée à l’évangile huit de Jean relative à la condamnation de la femme adultère. Un choix de citation qui ne manquait pas de sel quand on connaissait fort justement, les dites relations adultérines du gaillard. Passons…

Cette réponse de Jésus qu’il venait de s’approprier en conservait le verbe mais en modifiait largement le sujet. Il est vrai que nous étions chez moi dans mon cabanon de Signes, en fin de repas, l’un de ces soirs d’hiver glacé alors que dehors le mistral hurlait comme une louve. La daube provençale cuite dans la marmite au coin de la cheminée avait été largement honorée et bien sur accompagnée de quelques bouteilles de Pibarnon, l’un de ces vins de Bandol qui vous laisse des souvenirs émus.

Évidemment, entre les plongeurs et scaphandriers présents, la conversation avait encore tourné, après les amours scabreuses de quelques unes de nos belles amies, sur la découverte par l’un des dineurs d’un site archéologique, c’est-à-dire un beau champ d’amphores.

Bien que nous n’étions pas d’accord avec des lois que nous considérions comme scélérates car dépouillant le plongeur de ses découvertes, lois remontant à Colbert comme je m’empresse de la rappeler, certains pensaient qu’il fallait jouer le jeu de la dernière règlementation en vigueur.

Règlementation qui disait que chaque inventeur recevrait une prime conséquente lors de sa déclaration de découverte. D’autres, les plus anciens dans le métier, vieux renards méfiants n’accordaient aucune confiance dans l’administration du redoutable DRASSM qui régissait tout sans partage ni possibilité de dialogue.

Mais cela était en train de changer avec l’arrivée de Patrick Grangean qui lui décida de mettre cette nouvelle mouture de la loi en vigueur. C’est pour cela que j’avais abandonné mes idées « piratesques » et que je prêchais la bonne parole, demandant à mes copains de jouer le jeu. Ceux qui n’y ont pas cru on eu tort car en fait certains reçurent, selon la valeur de leur inventions, des primes conséquentes. Je fus de ceux là. C’est aussi cette année là que le DRASSM reçu le plus grand nombre de déclarations. Comme quoi la carotte sans le bâton ça marche très bien.

Certes quelques irréductibles, véritables gaulois indomptables, refusèrent de rendre les armes. On prête à l’un des plus célèbres d’entre eux, qui était à ma table ce soir là cette citation, à l’origine de Rudyard Kipling, qu’il n’hésitait pas là aussi à dévoyer s’adressant à son fils, qui marchait dans les palmes de son père :

« Quand tu auras remonté une amphore sans la déclarer tu seras un homme mon fils ! »

Puisque nous sommes dans les évangiles je me décide donc, tel St Paul retrouvant la vue sur le chemin de Damas, à confesser mes écarts de conduite, sachant néanmoins qu’il y a prescription et que je ne court plus aucun risque. Il est vrai que j’ai peu à me faire pardonner et que mon modeste logis ne ressemble pas et de loin à un musée archéologique clandestin. Pour confirmer le tout, si j’ai débuté après quelques incartades et erreurs de jeunesse, lors de ma retraite je me suis racheté par des prospections d’archéologie subaquatiques toutes autorisées règlementairement chaque année par le DRASSM.

Ce qui me permet d’en faire en partie état m’éloignant des amphores et des problèmes inhérents à la fièvre qu’elles transmettaient et dont j’ai pu ainsi me guérir. Toutefois, un beau jour, je reçois un étrange coup de téléphone…

(La suite ? En librairie… Ou à commander dédicacé ici 😉 )

Carnets de plongée

Découvrez beaucoup d’autres histoires vécues dans les autres livres de la collection Carnets de Plongée chez Glénat : NARCOSES. TRÉSORS.  GEANTS. PIRATES. REQUINS… A commander dédicacé sur la boutique.

Lire d’autres récits de cette collection ?

Les autres livres de Gérard Loridon

Aux Presses du Midi
A Table Scaphandriers en 2005
Jacques de Porquerolles en 2006
Plongées au GERS 1954/57 en 2007
Le Scaphandrier du Brusc en 2008
De la Corse aux Cévennes en 2009
L’Histoire du Musée Frédéric Dumas
Des pionniers subaquatiques oubliés
Les Scaphandriers de la Spirotechnique.
Le Scaphandrier du Brusc en 2009.
Les contes du Cap Sicié
L’or du Ville de Grasse
La mystérieuse cargaison du Donator

Á compte d’auteur
La belle aventure du Musée Frédéric Dumas en 2004

En collaboration
Scaphandriers 1, en 2005 aux Éditions Alan Sutton
Scaphandriers 2, en 2008 aux Éditions Alter Ego

Blog
Le scaphandrier.

Publié le Oct 6, 2014

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3 Commentaires

  1. Le Vieux scaf

    J’en suis plus rouge que les tomates de mon potager cévenol

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  2. Micheletti

    Bonjour Gérard,
    mon projet avance bien. Merci pour ton accueil et le temps que tu prends pour répondre à mes multitudes de questions.
    Cordialement.
    Francis Micheletti

    Réponse
  3. jamault Philippe et sylvie

    Bonjour gerard.
    Peux tu me confirmer si ta conférence a la cadiere a bien lieu.nous nous connaissons,je remplace depuis presque un an Hervé monjoin au musée et j’étais avec François et Juliette a ta conférence au brusc.merci et amitiés. Philippe Jamault

    Réponse

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