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Fractales : de l’encre dans l’eau

colorantSi les fractales expliquent les formes de la nature, elle interviennent aussi dans les phénomènes de la nature, ses mouvements, ses soubresauts. La formation et la dispersion des nuages, le fil de l’eau calme ou turbulente, la subtilité de nos battement cardiaques aussi… Tous obéissent aux fractales. Alors s’il en est ainsi, il doit être possible à l’inverse, de reproduire ces phénomènes à l’aide de fractales ?

C’est ce qui m’a occupé ces derniers temps, à l’atelier « collage, découpage et barbouillage »… Pourquoi ne pas saisir l’instant où la goutte d’encre se dilue dans l’eau en arabesques sublimes ? Quelque photographes en ont fait un style. Le plus simple est évidemment de photographier en macro un vase en verre dans lequel on laisse tomber du colorant. Mais voilà, je ne sais pas comment je me débrouille avec l’encre : je m’en fout toujours plein les mains !

Non, restons dans le virtuel, non salissant. Enfin, virtuel, c’est un autre débat… J’avais besoin en effet pour ma série Ichtyos, de turbulences aquatiques discrètes et purement fractales. De dilutions subtiles et évocatrices. Apophysis et ses rendus diaphanes me semblait tout indiqué… Sans aller jusqu’au mode d’emploi façon « recette de cuisine » que j’ai déjà commis ici, voici quelques grandes lignes (diluées) de la réflexion…

Apophysis à l’eau

frise

apophysis-wave

L’encre d’abord. Un bon gros Blur, bien opaque et réfléchissant (ceci pour le premier triangle). A diluer dans l’immensité transparente par défaut (l’eau). Reste à provoquer un mouvement, une dilution avec les turbulences qui vont bien…

Utilisons pour cela (dans un deuxième triangle) différents plugins « déformateurs ». Parmi ceux-ci, Auger et surtout Waves2.

Dans ma grande mansuétude, voici une copie d’écran avec les réglages possibles des deux plugins, dans l’onglet variables…

J’ai ajouté un troisième triangle pour « multiplier » l’effet avec une translation « linear » doublée d’un soupçon de flou « RadialBlur ».

Vous noterez aussi la forme inhabituelle de mes triangles qui semblent écrasés sous le poids des ans. Il s’agit là d’une fonction non documentée mais bien pratique : la possibilité de déformer les triangles eux mêmes en tirant sur un de leurs sommets. On obtient ainsi un quirielle de nouvelles variations, plus « aiguës »…

Quelques gouttes d’encre dans l’eau…

Au gré des réglages, l’effet est assez proche de ce que je voulais obtenir, entre les mixages de peintures épaisses et les dilutions d’éphémères gouttes d’encre…

soleil2 vortex

Pour gagner encore en réalisme, rien n’empêche évidemment d’utiliser plusieurs rendus de couleurs et de formes différentes et de les recombiner ensuite dans un logiciel de retouche. Les PNG transparents d’Apophysis font merveille. Ainsi la quatrième image est un composite des trois premières…

violette bleue rouge composite

Ce concept est utilisable à l’infini pour générer toutes sortes de turbulences, du plus léger filet de fumée de cigarette jusqu’à la grosse et grasse marée noire. Voici quelques variations artistiques du procédé, disponibles dans la boutique :

impact

Impact

aileronlow

Shark Mission

oursins-low

Fécondation

Dans le Fractalotron !

Évidemment, il y aura des esprit chagrins pour m’agiter sous le nez les équations de Navier Stokes, prétextant qu’en école d’ingénieur on sait parfaitement prévoir les trajectoires et la position des particules dans n’importe quel fluide et système turbulent et qu’il n’y a rien de fractal là dedans… Faux !

On consultera à ce propos un article du magazine La Recherche sur le sujet où il apparait que les équations de Navier Stokes sont non seulement insolubles (pas dans l’eau, hein ?) mais en plus d’une scandaleuse approximation. Quand je pense aux heures où j’ai sué dessus…

Clairement, il n’est pas possible de prévoir ce que deviendront les trajectoires d’une goutte d’eau qui rebondit sur une feuille, ou les volutes d’une cigarette (toujours vers le nez des non fumeurs), le paysage toujours recommencé des nuages, où encore de prévoir l’ampleur d’un tsunami… Ces phénomènes sont fractals, c’est à dire imprévisibles, par essence. Encore que l’essence dans l’eau…

Lorenz_attractorA ce stade du débat, il faut s’arrêter un instant sur les méthodes de visualisation des fractales. Ce qu’elles nous font croire en se donnant à voir et ce qu’elles nous cachent de leur vie secrète, loin de l’écran…

Je m’explique. Ce que nous voyons sur l’écran n’est pas la réalité mais une projection de la réalité. Une tranche de réel figé dans le temps et dans l’espace. Oui, autre désillusion : la 3D n’est qu’une tranche ! D’un volume infiniment plus complexe…

Dans Apophysis, et tout autre logiciel d’imagerie d’ailleurs, ce que l’on voit sur l’écran n’est qu’une coupe d’un espace de dimension supérieure (ici 3).

La-reineC’est ce qu’on appelle une section de Poincarré. Qui permet (pour simplifier à l’extrême) de « figer » le système à la dimension immédiatement inférieure, ici en 2D.

Et donc, au risque de vous décevoir, cette apparence de 3D dans « La Reine » n’est qu’un nuage de points, celui dont le plan est en intersection avec le tore ou s’agite sans fin l’attracteur qualifié « d’étrange », la « vraie » fractale comme l’exemple ci-dessus (se référer à l’article sur les attracteurs étranges). Entrez dans le fractalotron !

attracteurs-etranges-couleur

Ceci n’est pas sans poser de problèmes à qui veut jouer avec ces logiciels pour produire des dessins. Il s’agit d’influer sur les formules multidimensionnelles pour modifier ce qu’on en voit sur une tranche ! C’est un peu comme d’essayer de dessiner par l’intermédiaire d’un miroir déformant, à la façon d’un Léonardo bien attaqué à l’acide. Sculpter de l’eau… Ce qui est d’ailleurs le but recherché !

Oui, tout est turbulence dans notre monde pressé dont nous ne saisissons pourtant qu’une éphémère section…

Vous êtes bien mûrs : direction le camion à bestiau ! Enfermés avec un fumeur dessinant de magnifiques fractales, vous comprendrez tout avec ce bel exemple d’une section de Poincarré. La bande son involontaire est tout à fait adaptée à ce grand mystère, je trouve… 🙂

Mais, à regarder seulement dans le rai de lumière, ne perdrions nous pas la compréhension de la réalité globale, si tant est qu’elle existe ? Platon n’est pas mort !

Publié le Oct 20, 2013

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3 Commentaires

  1. Fernanda Bra sur Facebook

    Ahh, that´s why I love photography! There is a lot to learn, there are photos in every place you look, looking the life behind a lens!! I must confess I didnt know what fractales were till I´ve begun to read yu Lebloguen (my fault), I know theLire la suite

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