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Carnets de Plongée : recherche caisson, désespérément…

Vendredi 16 novembre à partir de 17h, soirée dédicaces du livre Narcoses et projection de films de plongée souterraine à Montbard, non loin de la Douix de Chatillon/Seine (voir détails et plan en fin d’article).

C’est avec grand plaisir que je vous retrouverais donc bientôt en Bourgogne. J’ai en effet beaucoup plongé dans la Douix de Chatillon, une des sources de la Seine, à l’époque où je résidais sur Paris. Cette belle résurgence offre aux spéléos une magnifique galerie noyée à explorer, à une profondeur maximale de 18 mètres sous le plan d’eau d’entrée. Pas de quoi faire un accident de décompression. Et pourtant… 

Accident dans les sources de la Seine (extrait du livre Narcoses)

Notre petite équipe est en train de terminer un film de commande pour l’émission Ushuaïa dans une grotte noyée du Vercors, mais, chassés par les crues d’hiver, nous avons dû traverser la France de part en part, passant de la Drôme aux sources du Lot, pour revenir sur l’Ardèche. Rien à faire : trop de courant, de l’eau trouble, rien à se mettre sous la caméra ! Or, à l’époque, « le magazine de l’extrême » était une émission à flux tendu. Autrement dit, Nicolas Hulot faisait ses acrobaties habituelles dans un coin du monde, et « lançait » les cinq films qui entrelardaient l’émission sans en avoir vu une seule image. Et pour cause : la plupart de ces films étaient en cours de réalisation au même moment ! Un exercice de corde raide… Cela signifiait aussi que, quoiqu’il arrive, les images promises devaient être rendues dans les temps. Deux jours de montage, mixage, commentaire « à la hussarde », et le film était imbriqué dans l’émission pour dégustation immédiate par les spectateurs : séquence frisson ! Pour tous les prestataires de l’émission, à pied, à cheval ou en voiture, dans les airs ou sous les mers, la règle était la même…

L’échéance approchait dangereusement et il nous manquait encore des séquences. Il fallait trouver d’urgence un plan d’eau, une grotte qui puisse servir de décor pour tourner ces fameux « plans de raccord ». J’eus alors l’idée de remonter jusqu’en Côte-d’Or, vers l’une des sources de la Seine qui est toujours limpide, même en cas de forte crue. Restait à souhaiter que le courant ne soit pas trop violent… La veille de Noël, dans la soirée, nous prenions nos quartiers d’hiver dans un petit gîte non loin de Châtillon-sur-Seine, là où se trouve la fameuse Douix*. Au-dehors, la neige tombait à gros flocons. Nous étions déprimés par tous les aléas du tournage. Il fallait réagir !

Je me réveillai le lendemain à 6 heures du matin. Les six coups du tocsin local et jusqu’au tic-tac de l’antique pendule résonnèrent avec une acuité inaccoutumée dans ma tête. Il est vrai que, couché à 3 heures sur un lit de canettes, je cuvais doucement le breuvage que Stéphane, pur Wallon, avait absolument voulu nous faire goûter. À l’armée, on appelait ça le « rince-cochon » : mélange de bière et de Picon, boisson amère consommée là-bas comme la mer à boire. Bien que n’ayant pas bu une goutte d’alcool depuis plus de quinze ans, ayant sans doute atteint mon quota de boissons fortes, l’honnêteté me pousse à dire qu’à l’époque, entouré de solides gaillards, nous avions plutôt tendance à faire la fête…

Profitant des quelques heures de répit de ce petit matin chantant, je décide de coucher sur le papier le fameux plan de tournage pour lequel nous sommes là. Péniblement, d’une main tremblante, je trace quelques hiéroglyphes et parviens à mettre en place quelques plans. Pourtant, plus je les dessine, plus ils me paraissent absolument irréalisables ! Sous mon casque lourd, les étoiles dansent sur le papier blanc. Dans un coin sèchent les bouteilles de plongée, repeintes la veille pour les besoins du film.

Enfin la maisonnée se réveille. Je vois apparaître Steph, les cheveux en bataille, l’œil torve… des signes qui ne trompent pas. Je décide de lui expliquer la séance de prise de vues. Il me regarde à travers ses paupières mi-closes. Il n’y comprend rien ! Je me dirige alors vers les bouteilles de plongée. Détectant quelque humidité, je décrète que, tant que les bouteilles ne seront pas sèches, nous ne pourrons pas plonger. Une aubaine ! Un répit… Chacun fait alors semblant de s’occuper à des choses utiles, et la matinée passe ainsi, l’un tapotant un détendeur, l’autre déplaçant une caméra d’une chaise pour la poser sur une table…

Le Père Noël est une ordure !

La nuit est déjà tombée lorsque nous nous réveillons après une sieste réparatrice. Qu’importe, sous terre, nous tournons de toute façon dans le noir ! L’incorrigible Stéphane a profité de ce répit pour retourner au village vider quelques verres supplémentaires, à titre curatif, bien entendu. Dans les rues passent quelques vieilles dames, la jupe soulevée par les rafales, serrant précieusement sous leur bras une bûche tout en crème. C’est Noël. Il fait un froid de canard mais, cette fois-ci, c’est parti !

En chargeant le matériel dans le camion, je sens dans mes reins quelques douleurs anciennes… Pour tout dire, au fur et à mesure que je soulève les bouteilles, je n’ai qu’une envie : les reposer et retourner dans mon lit. Seulement, le devoir nous appelle. Direction la source !

Arrivés sur le site, le groupe électrogène branché, nous étalons le bazar habituel : camera, caisson, éclairages, tuyaux, câbles, chacun fouillant dans les palmes de l’un tandis que l’autre découvre son masque dans le matériel de photo. Bref, l’une de ces journées de travail où chacun s’habille à reculons, en surveillant soigneusement l’autre pour savoir qui passera le premier la jupe de cou du vêtement étanche, car, qui a goûté à cet accouchement à l’envers n’a vraiment pas envie d’y passer une heure.

Il y a dans l’air une odeur de pierre à feu. Une odeur d’hiver. Le plan d’eau cristalline, décoré de plantes aquatiques vert intense, fume dans l’air glacial. Joyeux Noël !

Le plan est simple : descendre dans la Douix de Châtillon, un siphon hyper connu, mon « studio » où j’ai plongé au moins deux cent cinquante fois, y installer une bonne vingtaine de bouteilles et d’accessoires divers pour reconstituer une scène que nous n’avons pas pu tourner dans le Vercors à cause de la crue. En deux allers-retours, tout le matériel est au fond.

J’ai eu la chance, dès la mise en place du vêtement, de faire un magnifique trou dans la cagoule en Néoprène d’un coup d’ongle malheureux, ce qui me permet d’avoir le tympan droit en prise directe avec l’eau à quatorze degrés. Ça réveille !

Notre studio improvisé se trouve dans une galerie noyée à dix-huit mètres de profondeur, sur une cinquantaine de mètres de long. C’est là que nous devons reconstituer toutes les scènes manquantes, notamment l’installation d’un trépied de repérage magnétique, tout en suivant un plan de tournage excessivement précis mais qui, sous l’eau, peut être sujet à toutes sortes de modifications. De plus, Stéphane me regarde parfois avec des yeux si ronds que je peux y lire toute l’incompréhension du monde ! Je dois donc lui mimer l’action avant de reprendre la caméra, afin qu’il joue le plus naturellement possible cette scène qui s’imprimera ensuite sur la rétine des téléspectateurs. On perd un temps fou mais, heureusement, l’eau reste claire grâce au fort courant. Et puis, nous avons de l’air en pagaille et la surface est à deux coups de palmes…

Le décor est sublime : une galerie en amande d’environ deux mètres de haut pour cinq de large, au sol sculpté par l’érosion. L’eau paraît vert fluo sous nos puissants éclairages, une émeraude ! Le temps passe, sans que je n’y prenne garde, mais les plans rentrent, un à un, dans le silence des profondeurs seulement troublé par le chuintement de nos respirations et les coups de gong des bouteilles qui cognent parfois sur la roche…

Oui mais… Je ne savais pas encore que nous allions finalement rester 2h40 sous l’eau. Et il y avait juste une petite chose qu’on n’avait pas prévue…

 

 

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Soirée dédicaces à Montbard

Invité par David BERGER, je serais donc présent vendredi 16 novembre à partir de 17h à la librairie SOLEXIA, 12 rue Edme Piot 21500 Montbard. Tel. 03 80 92 22 63. Nous y visionnerons le film « La légende du Luska » tourné dans les trous bleus des Bahamas et j’aurais plaisir à vous dédicacer les cinquante derniers exemplaires du livre Narcoses que nous avons fait venir spécialement de différents dépôts de France et de Navarre en raison de la rupture de stock (l’ouvrage est présentement en réimpression…)

A propos de France et de Navarre, je m’aperçois que Montbard, c’est central ! Regardez sur la carte, toutes ces mégapoles alentour : Sens, Troyes, St Dizier, Auxerre, Bourges, Nevers… Chaumont, Dijon, Chalon sur Saône, sans oublier Besançon, Épinal… Des terres à plongeurs, à spéléos ! Et l’île de France n’est pas si loin… Allez, pas d’excuses !

Venez nombreux !

Publié le Nov 6, 2012

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7 Commentaires

  1. Ray Manta, de Bloc 18

    le petit bandeau rouge sur le livre , trop classe !
    Dijon, Auxerre, Troyes … c’est une partie de notre pays que j’ai rayée de mon champ de vision !!! 15 ans dans le sud, ça fout la déprime rien que de penser à remonter.

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  2. Francis Le Guen sur Facebook

    Allons ! Le Gevrey Chambertin… Les eaux claires… Les -30 °C au col de Sombernon en automne… Henri Vincenot !… 🙂

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  3. LORIDON Gérard

    Je me souviens avoir vu dans un salon de la plongée un modèle de caisson monoplacesouple en caoutchouc ou autre matière extensible
    Pratique pour des paliers, ou pour un transport vers un multiplace
    Encore qu’à la Sogétram il nous est arrivé de faire un traitement en monoplace….avec succès d’ailleurs.

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    • Francis Le Guen

      Oui, nous avions envisagé ce type de caisson pour les expés à l’étranger. Question de moyens que nous n’avions pas à l’époque…

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  4. corinne

    bonjour
    un petit mot pour vous remercier de la dédicace que vous m’avez fait sur votre livre Narcoses, je ne pouvais pas être là car j’étais partie plonger à la ciotat avec mon club. merci à vous et à ce que vous faites.

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  5. marion

    J’ai ADORE ce passage…mais qu’est ce que j’ai eu peur pour vous! quelle folle aventure…Bravo pour votre courage!! Vous faites vraiment un (des…) métiers fabuleux, merci de faire rêver les gens, par vos émissions et vos livres.

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    • Francis Le Guen

      Courage, mais surtout grosse erreur, en l’occurrence… Que cela serve de leçon à toutes et à tous. Pour nous, c’était trop tard… 🙂

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