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Carnets de Plongée : c’est Géant !

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C’est avec grand plaisir que j’ai accueilli Gérard Soury dans la collection d’aventures vécues que nous avons créé l’an dernier avec l’éditeur Glénat.

GerardSouryGérard est un « vieux briscard » de la plongée doublé d’un authentique écrivain. Son expérience dans le domaine des grands animaux marins est inégalable. Sa passion qu’il sait si bien communiquer nous entraîne à travers ces récits dans toutes les mers du monde, à la rencontre des « géants de la mer »…

Pour patienter jusqu’au 11 septembre, date à laquelle Géants sera disponible en librairie, voici un premier extrait du livre… Bonne lecture !

Requin des abysses

glenatgeantIlot de Flora – Colombie Britannique… Gilet purgé, j’entame la descente dans la soupe aux pois. Les 10 °C  qui règnent en surface décroissent à mesure qu’augmente la profondeur. Ce matin, la couche biologique est encore plus dense que d’habitude. Faute de courant, le plancton est si compact que je distingue à peine les contours de mon caisson photo. Après quinze mètres de descente aveugle – record absolu depuis le début de l’expédition – le fond apparaît enfin.

Conformément aux prévisions, le thermomètre affiche bien 6 °C. Je ne ressens pas encore le froid, excepté autour du masque où la sensation ressemble furieusement à une brûlure. Regroupés un court instant pour la rituelle « check list », nous reprenons notre descente. A partir de là, l’eau possède la transparence du cristal. En revanche, la lumière nous parvient chichement, détournée de sa mission par l’épais écran planctonique. Dirigé vers le bas, le pinceau de ma torche se perd dans le néant, même lorsqu’il effleure les parois, tant leur teinte est proche de celle du graphite dévoreur de lumière.

Profondeur : trente mètres. Mes yeux s’accoutument progressivement à la pénombre. Soudain Rob agite sa torche dans ma direction, avant d’immobiliser le pinceau lumineux sur un point précis. Une étrange créature aux yeux fluorescents, long d’une trentaine de centimètres, nage en épousant les reliefs du fond, évitant çà et là l’obstacle d’une gorgone ou d’une cérianthe, toutes tentacules dehors. Affublé du sobriquet de « poisson rat » dans presque toutes les mers du monde, il répond également au nom de « chimère », cousine des requins et des raies dans la classe des Condrichtyens ou, pour faire simple, des poissons cartilagineux. Ces poissons primitifs dont les ancêtres sont apparus il y a quatre-cents millions d’années au même moment que les tout premiers requins, ont quitté la lignée commune quelque cinquante millions d’années plus tard (un après-midi, m’a-t-on dit) pour vivre leur vie de chimères autonomes.

Ni spectaculaire ni démonstrative, ladite chimère a traversé les millions d’années dans les profondeurs obscures des océans – et des encyclopédies – sans pratiquement évoluer, sa stratégie se résumant en gros à « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Tout a bien fonctionné jusqu’au jour où, faute d’avoir su réguler la pêche industrielle, les armateurs ont été contraints de faire tracter leurs chaluts à des profondeurs de plus en plus importantes, au grand dam de la chimère qui n’avait rien demandé. De goût médiocre mais rebaptisée de noms plus glamour que « poisson rat », elle est aujourd’hui régulièrement proposée à l’étal des poissonniers. Une notoriété dont elle se serait volontiers passée. Cela dit, qu’elle se rassure, au train où vont les choses et du fait de son faible taux de reproduction, elle aura tôt fait de passer à la trappe. Merci qui ?

Je prends le temps de tirer plusieurs portraits de l’étrange poisson, avec d’autant plus de précautions qu’il n’a pas trop l’air d’apprécier.

J’imagine que dans cet environnement obscur, la débauche de photons en provenance de mes flashes doit meurtrir sa rétine ultra sensible conçue pour capter et amplifier la faible lumière environnante.

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J’abandonne la pauvre bête à son devenir d’espèce en sursis. D’autant plus volontiers qu’à cette profondeur, la consommation d’air est quatre fois supérieure à celle de la surface. Autant réserver notre autonomie au requin griset –alias requin à six ouïes – qui, l’année précédente, m’a fait inutilement parcourir plusieurs milliers de kilomètres.

Il faut dire qu’un certain El Niño avait trop réchauffé les couches supérieures du Pacifique Nord, reléguant la plupart des requins à des profondeurs inaccessibles au plongeur lambda.

Profondeur : trente-cinq mètres. Nous atteignons le bord du gouffre…

Plongée grisante…

A six-cents mètres de la surface, le froid et l’obscurité règnent en maîtres absolus. La vie n’est plus rythmée par l’alternance jour/nuit pour la simple raison qu’aucun photon ne peut franchir la profondeur théorique de quatre-cents mètres. Ici, les êtres vivants jouent sur une autre partition car ils ont dû s’adapter. Le sédiment couleur cendre nourrit toute une population d’invertébrés aux formes extravagantes : gorgones faméliques aux capteurs orientés face au courant, étranges araignées aux pattes démesurées, vers annélides aux allures de ténias malades, mollusques condamnés à traquer la poindre protéine dans la vase anoxique inlassablement travaillée par les bactéries.

A l’abri d’une grosse roche plate détachée du tombant, une compagnie de crevettes grégaires à la transparence blafarde, achève de nettoyer la dépouille à demi décomposée d’un énorme bivalve défunt. Un peu plus loin, contre la paroi, un poisson à mine patibulaire, sorte d’alien abyssal dont on ne souhaiterait pour rien au monde croiser la route, se tient en embuscade. D’entre les mâchoires disproportionnées d’avec le corps gracile, une étrange lueur bleutée croît soudain d’intensité, incongrue dans cet univers voué au noir absolu. A l’intérieur même du corps du poisson lanterne, les photophores alimentés par la luciférine, substance contenue dans des cellules hautement spécialisées, viennent d’entrer en action. La clarté diffuse révèle les abords immédiats de la paroi aux reflets de graphite, dont la base disparaît dans le substrat fuligineux. (…)

Drôle d’endroit pour une rencontre…

(…) D’une taille avoisinant les trois mètres cinquante, le requin est une femelle. Immature, elle devra encore croître d’un bon mètre et atteindre quatre-cents kilos, avant de pouvoir procréer. Sans qu’elle sache évidemment pourquoi, programmée par des millions d’années d’un rythme biologique immuable, elle s’apprête à prendre ses quartiers d’été aux étages supérieur du tombant. Résidente privilégiée des grandes profondeurs, elle ne s’approche habituellement de la surface qu’à la nuit tombée et dans le seul but de se nourrir. A l’aube, dès l’apparition des premiers rayons solaires, elle replonge vers la nuit éternelle.

Pourtant, aujourd’hui, au beau milieu de l’été, comme depuis des milliers de générations, elle va, en compagnie de ses congénères, séjourner pour quelques semaines dans une zone comprise entre la surface et une trentaine de mètres de profondeur. Au rythme des battements cadencés de sa puissante nageoire caudale, elle propulse son corps massif le long du tombant. Elle prend tout son temps, comme si les millions d’années d’existence de son espèce lui conféraient une sérénité particulière.

A très précisément trente-quatre mètres de profondeur, elle atteint la lèvre supérieure du tombant… Exactement là où nous nous trouvons ! C’est alors que…

(Lire la suite ?)

Découvrez beaucoup d’autres histoires vécues dans les autres livres de la collection Carnets de Plongée chez Glénat : NARCOSES. TRESORS et GEANTS. Géants en librairie à partir du 11 septembre 2013. Commander chez Glénat, Fnac.com ou directement sur Amazon.fr ci-dessous.

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Publié le Août 28, 2013

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2 Commentaires

  1. Marion Loveocéan sur Facebook

    pourrais pas me l’acheter ni venir, avec quels moyens…je ne cesse les démarches pr m’en sortir rien y fait. 🙁

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