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Bordeaux : les pirogues du Lac de Sanguinet

Le fond du lac bouillonne d’activité… A travers les nuages de sédiments, j’approche et atterris au milieu des archéologues au travail. Suceuse, outils, décamètres, carroyage, des fils partout… Mon cadreur sous marin et moi même évoluons en apesanteur autour de l’objet de toute cette activité : une pirogue en bois qui émerge lentement de la vase, après 3000 ans d’oubli…

C’est en 1970 que des plongeurs du Bordeaux Etudiants Club découvrent sous les eaux du lac de Sanguinet, près de Bordeaux, devant la plage « du pavillon », l’éboulis de pierres d’un petit temple…

Ils entreprennent alors les premières recherches. En 1978, Paul Capdevielle crée le Centre de Recherches et d’Études Scientifiques de Sanguinet (CRESS) et obtient une autorisation de fouilles sur le site de Losa par la direction des Antiquités historiques.

Depuis plus de vingt ans, Bernard Maurin plonge dans ce lac de Sanguinet. Et les plongeurs ne cessent d’y découvrir des vestiges. Entre autres silex taillés, bijoux et céramiques, dix pirogues parmi les plus vieilles du monde !

Les pirogues en bois les plus vieilles du monde !

Ce lac s’est formé  il y a 3000 ans, à la fin de l’ère glaciaire, par l’érection d’une barrière de dunes faisant obstacle à l’eau de la Gourgue, immergeant peu à peu les constructions de trois villages, avec leurs objets, mobiliers et pirogues.

C’est un immense plan d’eau de 5 800 hectares qui s’étend sur trois communes : Biscarrosse, La Teste-de-Buch et Sanguinet. D’une longueur de 11 km, du nord au sud, pour une largeur de 10 km, d’est en ouest, il a une profondeur maximum de 25 mètres.

J’ai eu la chance d’y plonger ainsi que dans quelques autres lacs « archéologiques ». Nous en parlions déjà dans cet article.

A l’époque, j’animais la série « Bleu Clair » sur France 3, une émission hebdomadaire consacrée au patrimoine d’eau douce. Ce qui m’a permis de plonger un peu partout en France et en Europe, en des lieux habituellement peu fréquentés par les plongeurs de loisir.

En effet, si Bordeaux et ses environs sont célèbres pour les châteaux et les bouteilles, on peut y vivre aussi d’autres ivresses ! La région mérite la visite des plongeurs : une idée de week-end « à thème » ? Après avoir réservé un hôtel sympa à Bordeaux à vous l’aventure : une myriade de lacs s’échelonnent dans Les Landes et jusqu’au Pays Basque

Sans parler des sources lotoises et autres belles plongées sur le bassin d’Arcachon avec notamment un blockaus englouti sous l’océan. Mais ceci, est une autre histoire…

A Sanguinet, cinq sites majeurs ont été découverts dont 35 pirogues et d’innombrables vestiges d’une richesse inestimable. Les fouilles archéologiques sublacustres témoignent d’une occupation humaine continue de l’âge du bronze à l’époque paléochrétienne. Ces villages engloutis racontent donc 3 000 ans d’histoire sous les eaux.

Losa, station routière gallo-romaine située à proximité d’une voie romaine, fut le premier site découvert. Le village, articulé autour d’un fanum (temple), offrira un très abondant mobilier archéologique (céramiques, monnaies, bijoux…).

Le trésor du lac

Puis ce sera l’Estey du large (IIe -Ier siècle avant J.-C.) et ses nombreuses scories métalliques. Un espace qui, suite aux analyses récentes, montrera la présence de toutes les étapes de la production et du traitement du fer, de la réduction du minerai (le fer des marais, « l’alios ») à l’affinage puis au forgeage des outils. Ensuite, après 1990, les chercheurs travailleront sur le secteur de Put Blanc, mettant au jour un habitat datant du premier âge du fer.

La Forêt, quatrième site étudié durant les campagnes 2002 à 2005, dévoilera une zone archéologique des 1er et 2e âges du fer, entre 10 et 12 mètres de profondeur. Là, outre des ensembles de pieux correspondant à des installations humaines et autres trouvailles intéressantes, une pointe de lance en bronze révélera une occupation des plus anciennes de cette vallée.

C’est un miracle que ces pirogues soient parvenues jusqu’à nous, ceci grâce à l’immersion et aux sédiments ayant formé un milieu anaérobie, c’est-à-dire sans oxygène.

Longues de 6 à 7 m, les pirogues monoxyles, c’est-à-dire formées d’un tronc de chêne ou de pin grossièrement évidé, ont un tirant d’eau très faible mais pèsent près de 500 kg :  Pour les besoins du film, j’ai eu l’occasion de pagayer sur le lac avec une reproduction moderne. Le moins que l’on puisse dire est que nos aïeux n’étaient pas manchots !

«Il paraît raisonnable de penser, précise le président Bernard Maurin, que les piroguiers de l’Estey, Put Blanc ou Matocq ont pu pendant des siècles utiliser la voie maritime pour effectuer des échanges avec les peuples voisins installés sur la zone littorale aquitaine. »

Sur les trente pirogues découvertes dans le lac de Sanguinet, vingt-six sont creusées dans des troncs de pin, quatre seulement étant en chêne. Deux d’entre elles ont fait l’objet d’un traitement de conservation dans le laboratoire Art-Nucléart de Grenoble. Ces deux pirogues ont été installées dans une salle vitrine (température et hygrométrie régulées) pour être présentées au public. Au Musée de Sanguinet, vous pourrez admirer ces reliques et rêver aux peuples de l’eau…

Tous au Musée !

Déjà crédité du label ‘Musée de France’, la structure est le fruit, dans son contenu, de passionnés, comme le ‘très barbu’ Bernard Dubos, plongeur de la 1ère heure, qui nous a bien aidé pour ce tournage.

La pirogue n° 20 (âge du bronze) est en chêne et est âgée d’environ 3 270 ans, elle est la partie arrière mesurant 4,80 m d’une pirogue et comporte à sa poupe une planche amovible en pin. La pirogue n° 5 est entière en pin pour une longueur de 8 m et date d’environ 2 700 ans (âge du fer). Ce petit musée et sa grande histoire mérite votre détour…

Publié le Déc 11, 2012

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8 Commentaires

  1. Marine

    Superbe article , ou je découvre que ce lac que je connais bien pour y avoir navigué il y a quelques années mais jamais plongé .. m’apprend beaucoup 🙂 merci Francis ..
    Comme toujours une vrai mine d’or .

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    • Francis Le Guen

      Je me doutais bien que ce sujet « aquitain » allait t’interpeler… 😉

      Réponse
  2. Isa Lagouarde sur Facebook

    toujours articles riches d’informations merci Francis c’est aussi ma région j’ai plongé dans le bassin d’arcachon assez spécial !!!!

    Réponse
  3. annie lesca

    Bravo pour votre reportage. Est-il possible d’avoir une photo (numérique) de la remontée de la pirogue en bonne définition (supérieure à 1000×1000), en licence libre, pour une base de données à destination des scolaires : abulédu-data
    http://data.abuledu.org/wp/
    Merci d’avance
    annie

    Réponse

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