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Big Bang, trous noirs, fractales et infini

singularity_by_leguen

Notre univers contient des milliards de « trous noirs », des monstres gloutons qui avalent tout ce qui passe à leur portée. La gravitation y est si forte que même la lumière ne peut s’en échapper, d’où leur nom.

Le centre de notre propre galaxie est lui même constitué d’un trou noir supermassif. On peut imaginer sa forme comme celle d’un vaste entonnoir en rotation allant en s’amenuisant où la gravitation et la masse ne cessent d’augmenter. Ainsi, le fond d’un trou noir pourrait atteindre une densité infinie et un volume nul… Un tel casse tête que les cosmologistes et mathématiciens ont décrété qu’il s’agissait là d’une « singularité ». Il faut se contenter de cela.

On connait pourtant une autre singularité : celle du Big Bang qui serait à l’origine de notre univers et dont on ne sait rien, au delà du mur de Planck (10-43 seconde). La tentation est forte de relier, au moins en pensée, les deux phénomènes qui sont peut être les deux facettes de la même chose : la singularité d’un trou noir de notre univers devenant une « fontaine blanche », un autre Big Bang créant un autre univers, quelque part…

Multivers

multivers

Je relis en ce moment La magie du cosmos de Brian Greene, l’un des spécialistes mondiaux de la théorie des supercordes, théorie unificatrice censée résoudre le problème de l’incompatibilité des théories physiques, la relativité générale (pour les phénomènes infiniment grands) et la physique quantique (pour l’infiniment petit).

Ce livre puissamment didactique est plein de rayons de soleil pour éclairer les recoins et autres zones d’ombres générées par la théorie quantique.

D’autres univers existeraient-ils au delà du notre ? Ou imbriqués dans celui-ci ? Brian Greene en personne nous l’explique dans cette conférence au TED, sous titrée en français.

Une courbe infinie…

Fractale_Von_Koch

Densité infinie mais volume nul… Quelle étrangeté. Je ne sais pourquoi, voilà qui me fait encore penser aux fractales. Car dans le monde des fractales, on connait ce type de paradoxe…

En deux dimensions, par exemple, la courbe de Koch est une ligne infinie délimitant une surface finie. « La courbe de Koch », du nom du mathématicien suédois qui l’a inventée, rappelle la structure d’un flocon de neige. Pour tracer cette courbe infinie, il suffit de reproduire un grand nombre de fois le motif de départ, à savoir un triangle équilatéral.

kochCette courbe devient alors infiniment longue, « aussi longue qu’une droite euclidienne qui s’étendrait jusqu’aux limites d’un univers sans borne »… Ce résultat paradoxal (longueur infinie contenue dans un espace fini) perturba de nombreux mathématiciens.

On peut la créer de la manière la plus simple en modifiant récursivement chaque segment d’une droite de la façon suivante :

courbe de KochOn divise le segment de droite en trois segments de longueurs égales.

On construit un triangle équilatéral ayant pour base le segment médian de la première étape.

On supprime le segment de droite qui était la base du triangle de la deuxième étape.

Au bout de ces trois étapes, l’objet résultant a une forme similaire à une section transversale d’un chapeau de sorcière. Et on continue, ad libitum…

La courbe de Koch est la limite des courbes ainsi obtenues, lorsqu’on répète indéfiniment les étapes mentionnées ci-dessus. Une extension de la notion de dimension permet d’attribuer à la courbe de Koch une dimension fractale (non entière) dont la valeur est :

dimension koch.

La courbe de Koch a une longueur infinie parce qu’à chaque fois qu’on applique les modifications sur chaque segment de droite, la longueur totale augmente d’un tiers. La surface délimitée par la courbe est cependant finie (car elle est contenue dans le demi-cercle dont le diamètre est le segment initial). La courbe de Koch constitue donc un exemple frappant de courbe continue mais non dérivable en chacun de ses points.

Un flocon de neige

koch-constructionLe flocon de Koch s’obtient de la même façon que la fractale précédente, en partant cette fois d’un triangle équilatéral au lieu d’un segment de droite, et en effectuant les modifications en orientant les triangles vers l’extérieur. Pour un triangle initial (étape 0) de périmètre 1, le périmètre du flocon à l’étape n est (4/3)n On peut aussi partir d’un hexagone, et opérer en orientant les triangles vers l’intérieur. Dans les deux cas, après quelques itérations on obtient une forme évoquant un flocon de neige régulier.

Comme la courbe éponyme, le flocon de Koch est de longueur infinie et délimite une aire finie égale aux 8/5 de l’aire du triangle initial. Et en plus, les flocons s’agglomèrent en icebergs…

Kock-flocon

Une surface infinie…

N’arrêtons pas en si bon chemin… En trois dimensions, voici cette fois un cube de surface infinie mais de volume nul ! C’est l’éponge de Menger. Cette figure, sortie tout droit de l’imagination de Karl Menger, pour explorer le concept de dimension topologique, ressemble à une éponge en forme de cube percé d’une multitude de pores tous connectés les uns aux autres. Menger voulait ainsi prouver que l’on pouvait obtenir une surface infinie dans un volume fini…

Menger-Sponge

La construction en est facile. Si l’on partage chacune des arêtes en 3 parties égales, chaque face sera formée d’un damier de neuf carrés. Commençons par vider celui du milieu. En ajoutant les parois de cette partie évidée, la superficie de la structure est alors plus grande que celle du cube d’origine. De ce fait, nous augmentons la surface sans en faire varier le volume.Chacun des 8 carrés restants est désormais divisé en un minuscule damier de 9, dont la figure centrale est à nouveau évidée… et ainsi de suite, jusqu’à atteindre des proportions microscopiques. A force de creuser dans le volume de départ, la surface ne cesse d’augmenter, certes d’une quantité de plus en plus petite, mais… sans aucune limite. Au final, on aura une dentelle tridimensionnelle qui ne débordera pas du cube d’origine.

L’éponge de Menger est une fractale dont la dimension de Hausdorff vaut dimension Menger, soit à peu près 2,726 833. Autres bizarerries : chaque face de l’éponge de Menger est un tapis de Sierpinski. Et toute intersection de l’éponge de Menger avec une diagonale ou une médiane du cube initial est un ensemble de Cantor.

sierpinskyPar ailleurs, la dimension topologique de l’éponge de Menger est égale à 1. Menger démontra que l’éponge est une courbe universelle, c’est-à-dire que toute courbe unidimensionnelle (au sens où sa dimension topologique est égale à 1) est homéomorphe à un sous-ensemble de l’éponge.

De manière similaire, le triangle de Sierpinski est une courbe universelle pour toute courbe d’un espace à deux dimensions. L’éponge de Menger étend cette notion aux courbes tri-dimensionnelles. Le raisonnement peut être étendu à un nombre de dimensions quelconque.

Voyages dans le temps ?

A quoi ressemblerait une semblable fractale à 11 dimensions ? N’y aurait-il pas là une façon de mieux comprendre le paradoxe de la « singularité » des trous noirs ? Un moyen de comprendre « le grand tout » ?

La théorie des cordes nous explique que nous vivons dans un espace à au moins 11 dimensions. Ces « dimensions cachées » sont infiniment petites et repliées sur elles même, ce qui explique que nous n’en ayons pas conscience (voir à ce propos notre billet sur les espaces de Calabi Yau). Mais dans le livre La magie du cosmos, apparait aussi la possibilité que ces dimensions soient infiniment grandes (plus que la taille de notre univers « visible ») et donc imperceptibles pour les mêmes raisons. Ce qui voudrait dire qu’on pourrait peut être un jour voyager d’une dimension infinitésimale à une dimension extraordinairement vaste ? Voyager dans le temps ? Visiter d’autres univers ? …

Notre « réalité » s’étendrait donc également dans les espaces infiniment grands ? On sait déjà, grâce à la mécanique quantique et son principe d’incertitude, que les particules qui nous constituent ne sont pas figées, là où l’on pense qu’elles sont. Elles n’ont qu’une certaine probabilité d’être là. Mais nos particules constitutives ont aussi une probabilité faible mais non nulle de se trouver, par exemple en ce moment, dans la galaxie voisine d’Andromède, ou beaucoup plus loin encore…

Enfants des étoiles, nous sommes pétris d’Univers mais peut être plus qu’on ne le pense. l’infini nous contient mais peut être le contenons nous aussi…

Et pour finir, voici les 8 épisodes de la série « l’Univers élégant » animés par Brian Greene et diffusés sur Arte qui mettent en lumière de façon brillante ces étranges concepts (et désolé pour la pub…).


Publié le Mar 26, 2013

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